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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

où des intensités égales d’une qualité de même espèce sont représentées par une même longueur.

Le contexte se charge également de nous apprendre ce que l’on doit entendre par rapport de deux figures ; c’est le rapport des aires de ces deux figures si elles sont planes, de leurs volumes si elles sont solides.

De la définition qui vient d’être donnée, se tire immédiatement le corollaire suivant : Les mesures de deux qualités uniformes ont pour rapport le produit du rapport des extensions par le rapport des intensités. « En la susdite mesure[1], il faut toujours prendre l’extension totale de la qualité, que cette qualité soit linéaire, superficielle ou même corporelle. Il en faut dire autant de la mesure de la vitesse, si ce n’est que, par extension, il faut alors entendre le temps pendant lequel dure cette vitesse, et par intensité, le degré de vitesse… Par exemple, une vitesse uniforme qui dure pendant trois jours est égale à une vitesse trois fois plus intense qui dure pendant un seul jour. »

En ce cas où la vitesse est uniforme, la mesure ou quantité de la vitesse, telle qu’Oresme vient de la définir, se confond évidemment avec la longueur que le point mobile a parcourue pendant le temps qui remplace ici l’extension. La vérité de la même proposition se manifeste non moins clairement à notre auteur en d’autres cas où le mouvement, sans être uniforme, est une succession de mouvements uniformes. C’est ce qui a lieu dans un problème qu’il résout par une démonstration géométrique fort élégante[2].

Prenons la longitude d’une figure qui représente une qualité linéaire et, selon le langage usité au Moyen Âge, divisons-la en parties proportionnelles. Pour cela, nous la partageons d’abord en deux moitiés, la seconde moitié est ensuite divisée en deux quarts, le dernier quart en deux huitièmes et ainsi de suite. La longitude se trouve formée d’une suite de segments mis bout à bout, et les longueurs de ces segments forment une progression géométrique de raison Ce sont les parties proportionnelles de la longitude.

On suppose que la première partie proportionnelle est affectée par une qualité uniforme d’une certaine intensité ; que la seconde partie proportionnelle est affectée d’une qualité uniforme de même

  1. Oresme. Op. laud., pars III, cap. VI ; Adhuc de eodem ; ms. no 7.371, fol. 261, vo ; ms. no 14.580, fol. 59, col. b.
  2. Oresme. Op. laud., pars III, cap. VIII ; De mensura et extensiones in infinitum quarundum quakitatum ; ms. no 7.371, fol. 262, vo et fol. 263, ro ; ms. no 14.580, fol. 59, coll. c et d.