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LA LATITUDE DES FORMES. ORESME ET SES DISCIPLES

du Tractatus de difformitate qualitatum, soit qu’ils l’eussent précédé, soit, plus probablement, qu’ils l’eussent suivi.

Après Walter Burley, et presque exactement, dans les termes qu’a employés Albert de Saxe, Oresme nous apprend[1] que le mouvement a deux sortes d’extensions, dont l’une dépend de la distribution de la vitesse aux divers points du sujet, c’est-à-dire du mobile, et l’autre du changement de la vitesse au cours du temps. Comme Albert de Saxe, il voudrait que les épithètes : uniforme, difforme, servissent exclusivement à caractériser la distribution qu’affecte la vitesse au sein du sujet, tandis que les qualificatifs : régulier, irrégulier, indiqueraient de quelle manière les valeurs de la vitesse se succèdent dans le temps. Mais il observe qu’il est d’usage d’employer les mots uniforme et difforme même pour désigner la régularité et l’irrégularité dans le temps, et il déclare qu’il se conformera à cet usage,

Notre auteur se demande ensuite[2] de quelle manière on doit, en chaque espèce de mouvement, définir la grandeur de la vitesse ; la vitesse du mouvement local, la vitesse angulaire de rotation, la vitesse de descente, la vitesse de dilatation ou de contraction, la vitesse d’altération sont successivement considérées et déterminées exactement comme elles le sont au Tractatus proportionum d’Albert de Saxe ; ici et là, les mêmes pensées se trouvent proposées, et éclaircies au moyen des mêmes exemples.

Sans nous attarder à reproduire des considérations qui nous sont déjà connues, indiquons seulement une précision introduite par Oresme en la définition de la vitesse du mouvement local.

Il dit d’abord[3], comme Albert de Saxe : « Dans le mouvement local, un degré de mouvement (motus) ou de vitesse (velocitas) est d’autant plus grand ou plus intense que le mobile parcourt un plus grand espace ou une plus grande distance en un temps égal. » Mais cette définition devient insuffisante pour déterminer ce que l’on doit appeler vitesse à chaque instant, en un mouvement dont la vitesse change d’un instant à l’autre ; il convient alors de la compléter en ajoutant ce membre de phrase : En supposant que, pendant tout ce temps, le mobile continue à se mouvoir avec la vitesse qu’il avait à cet instant. Cette addition, notre auteur

  1. Oresme, Op. laud., pars II, cap, I : De difformitate moins ; ms. no 7.371, fol. 236, ro ; ms. no 14.580, fol. 46, coll. c et d.
  2. Oresme, Op. laud., pars II, cap, III : De quantitate velocitaüs ; cap. IV : De diversis modis velocitatis ; ms. no 7.371, fol. 237, ro et fol. 238, ro ; ms. no 14.580, fol. 47, coll. a et b.
  3. Oresme, Op. laud., pars II, cap, III ; ms. no 7.371, fol. 237, ro ; ms. no 14.580, fol. 17, col. b.