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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

représentée par une figure analogue à la précédente, mais deux fois plus haute ; en quelque rapport que la seconde qualité soit plus petite ou plus grande que la première, en ce même rapport sera la hauteur de la seconde figure à la hauteur de la première.

» Néanmoins, au début, la première qualité eût pu être représentée par une figure plus grande ou plus petite en telle proportion que l’on eût voulu choisir ; ces diverses figures eussent pu être prises inégales en grandeur et dissemblables d’aspect ; mais elles eussent été, les unes aux autres, proportionnelles en hauteur. »

En langage moderne, nous traduisons ce passage en disant que la longueur par laquelle l’unité d’intensité sera représentée peut être choisie arbitrairement ; que, par conséquent, une même qualité peut être représentée par une infinité de figures distinctes ; que toutes ces figures peuvent se déduire de l’une d’entre elles par une opération qui laisse les abscisses invariables et multiplie toutes les ordonnées par un même nombre arbitraire.

Pour qu’une propriété de la figure qui représente une qualité puisse être regardée comme une propriété de cette qualité même, il faut que cette propriété demeure invariable lorsque la figure éprouve la transformation que nous venons de définir.

C’est ce que Maître Nicole Oresme a vu avec une parfaite lucidité ; avant de conclure d’une propriété de la figure représentative à une propriété de la qualité même, il a toujours soin de s’assurer que la première propriété est caractère invariant en la transformation par multiplication des ordonnées.

Par exemple, il ne déclare pas d’emblée que le fait d’être représentée par un triangle rectangle dont l’angle droit a la longitude pour côté, caractérise une certaine manière d’être de la qualité, celle que désigneront les mots : qualité uniformément difforme terminée à une intensité nulle. Il commence par établir[1] que « toute qualité représentable par un triangle rectangle dont l’angle droit a la longitude pour côté, peut être représentée par tout autre triangle rectangle qui aurait un angle droit placé de même, et ne peut être représentée par aucune autre figure ». Il raisonne de même[2] avant de définir la qualité uniforme.

Il est des propriétés géométriques « qui ne demeurent pas invariables dans l’opération qui augmente ou diminue toutes les ordon-

  1. Oresme, Op. laud., pars I, cap. VIII : De qualitate trianguli rectanguli ; ms. no 7.371, fol. 219, ro ; ms. no 14.580, fol. 38, col. d.
  2. Oresme, Op. laud., pars I, cap. X : De qualitate quadrangulari ; ms. no 7.371, fol. 220, vo ; ms. no 14.580, fol. 39, col. b.