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LA LATITUDE DES FORMES. ORESME ET SES DISCIPLES

de cette même qualité. « Il convient[1] de nommer largeur (latitudo) d’une qualité étendue l’extension de cette qualité ; la dite extension peut être représentée par une ligne tracée au sein du sujet, ligne en chaque point de laquelle s’élève perpendiculairement la ligne d’intensité de la même qualité. Ainsi, comme toute qualité de ce genre a intensité et extension, dont il faut tenir compte pour la mesurer, si l’on donne à l’intensité le nom de longueur (longitudo), on donnera à l’extension, qui est la seconde dimension, le nom de largeur (latitudo). »

Telles sont les dénominations qu’Oresme aimerait employer ; mais il remarque que « selon le langage communément usité, on attribue à l’extension la première dimension, c’est-à-dire la longueur (longitudo), et la largeur (latitudo) à l’intensité, Or l’imposition de noms différents ou l’impropriété d’une locution ne fait rien à la réalité ; on peut, des deux manières, exprimer la même chose ; je veux donc suivre la commune mode, de peur qu’une forme de langage inaccoutumée ne rende moins aisé à comprendre ce que je vais dire. »

Jusqu’ici notre auteur a considéré le sujet même qu’affecte la forme ou la qualité, et, en chaque point de ce sujet, il a élevé une ligne verticale dont la longueur fût proportionnelle à l’intensité de la qualité. Mais de la question, prise avec une telle généralité, il ne parlera que fort peu. Le cas dont il va traiter tout d’abord, et longuement, c’est celui où les divers points affectés de la qualité forment une simple ligne. Un tel cas se peut présenter si le sujet informé est simplement linéaire. Mais Oresme l’obtient plus volontiers en traçant une ligne au sein du sujet étendu suivant trois dimensions et en étudiant seulement la qualité le long de cette ligne. Il aura alors affaire à ce qu’il nomme une qualité linéaire (qualitas linealis ou linearis)[2].

Pour la représenter, il portera, sur une droite horizontale, une longueur ou longitude (longitudo) égale à l’extensio ; en chaque point de cette droite, il élèvera une verticale dont la hauteur (altitudo vel latitudo) sera proportionnelle à l’intensité (intensio) de la qualité au point correspondant du corps. Il obtiendra ainsi une figure géométrique dont les propriétés correspondront exactement aux propriétés de la qualité qu’il s’agit d’étudier. Mais, par ce mode de représentation, l’étude de cette qualité sera rendue sin-

  1. Oresme, Op. laud., pars. I, cap. III : De longitudine qualitalis ; ms. no 7.371, fol. 216, vo et 217, ro ; ms. no 14.580, fol. 37, col. d.
  2. Oresme, Op. laud., pars. I, cap. IV : De quantilate qualitalis ; ms, no 7.371, fol. 217, ro et vo ; ms. no 14.580, fol, 38, col. a.