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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Une intensité, en effet, peut, comme une ligne, décroître à l’infini et, pour ce qui est d’elle, croître à l’infini.

» En outre, l’intensité en vertu de laquelle un sujet est dit plus ou moins tel, moins blanc, par exemple, ou plus vite cette intensité, dis-je, en tant qu’elle est intensité ou extension d’un point du sujet, n’est divisible que d’une seule façon, et cela à l’infini, à la façon d’un continu ; elle ne peut donc être plus commodément imaginée qu’à l’aide de ce qui est premièrement divisible, et d’une seule manière, c’est-à-dire à l’aide de la ligne…

Les diverses intensités d’une qualité d’espèce donnée peuvent donc être imaginées comme des longueurs de lignes ; « elles peuvent surtout, et de la manière la plus convenable, être représentées par des droites attachées au sujet et verticalement élevées à partir de ses divers points. La considération de ces lignes aide et conduit naturellement à la connaissance de chaque intensité… Des intensités égales sont figurées par des lignes égales, des intensités doubles l’une de l’autre par des lignes doubles l’une de l’autre, et ainsi de suite, les intensités et les lignes procédant toujours suivant le même rapport.

» — Maxime vero et convenientius per illas que, subjecto applicate, super ipsum perpendiculariter eriguntur, quarum consideratio ad cujuslibet intentionis notitiam naturaliter juvat et ducitIdeoque intensiones equales [per equalem lineam et duplas] per duplam lineam et semper proportionaliter procedendo.

» Et cette représentation s’étend, d’une manière universelle, à toute intensité imaginable, qu’il s’agisse de l’intensité d’une qualité active ou d’une qualité non active, que le sujet ou l’objet affecté tombe ou ne tombe pas sous les sens… »

« L’intensité que désigne la ligne en question devrait proprement, » selon l’avis d’Oresme[1], « être nommée longueur ou longitude (longitudo). » Notre auteur appuie cet avis de diverses raisons. Il ne juge pas convenable de donner à cette intensité le nom de largeur ou latitude (latitudo). « Beaucoup de théologiens, » remarque-t-il, « parlent de ia largeur (latitudo) de la charité ; en effet, par largeur, ils entendent l’intensité, en sorte que l’on peut avoir une largeur sans longueur. »

Ce n’est donc pas l’intensité (intensio) d’une qualité qu’il faudrait nommer largeur (latitudo), mais bien l’extension (extensio)

  1. Oresme, Op. laud., pars I, cap. II : De latitudine qualitatis ; ms. no 7.371, fol. 216 ro et vo ; ms, no 14.580, fol. 37, col. d.