Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/536

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
529
LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

d’Aquin et celle de Durand de Saint-Pourçain. Il termine son exposé par ces lignes, qui sont la contradiction formelle de ce que saint Thomas avait dit de la question qui nous occupe : « Si l’on dit qu’une forme est d’autant plus imparfaite qu’elle est plus composée, je nie cette proposition ; au sujet de la composition que j’admets, je prétends qu’une forme est d’autant plus parfaite qu’elle est plus composée. »

Si les Ermites de Saint-Augustin en venaient à délaisser la théorie de Gilles de Rome, les Frères Prêcheurs ne se montraient guère plus fidèles à la théorie de saint Thomas d’Aquin.

Grazadei d’Ascoli garde fidèlement la doctrine thomiste :

« À proprement parler, dit-il[1], plus et moins expriment certains rapports qui ont pour fondement la participation d’une chose à une autre chose. Plus blanc, par exemple, veut dire la même chose que : qui participe plus de la blancheur. Moins blanc veut dire : qui participe moins de cette même blancheur. Partant, plus et moins ne se disent pas des espèces ; ils se disent de ce qui participe à l’espèce tout en demeurant, dans son essence, différent de l’espèce à laquelle il participe. Comme une surface, par exemple, diffère essentiellement de la blancheur, mais participe de la blancheur, elle peut être dite plus ou moins blanche ; on la dit plus blanche lorsqu’elle participe plus de la blancheur et moins blanche lorsqu’elle en participe moins. Mais de la blancheur, qui est l’espèce, on ne peut dire plus ou moins

» Dès lors, comme l’espèce d’une substance n’est pas reçue en participation par quelque chose qui en diffère d’une manière essentielle, cette espèce ne peut rendre la substance susceptible de plus ou de moins. On en peut conclure aussitôt qu’une forme substantielle n’a pas de latitude, qu’elle est indivisible. Nous avons vu, en effet, que ce qui reçoit sa dénomination d’une forme douée de latitude peut être dit plus ou moins. »

Cette dernière conclusion est dirigée contre Antonio d’Andrès et ses tenants.

  1. Preclarissime questiones litterales edite a fratre gratia deo esculano sacri ordinis predicatorum super libros Aristo. de physico auditu : secundum ordinem lectionum Divi Thome Aquinatis. Lib. V, legt. III, quæst. III : Utrum substantia possit suscipere magis et minus. Colophon : …Studio vero et impensa nobilis viri domini Alexandri Calcedonii civis Pisaurensis : arte vero et industria magistri Petri de quarengiis civis Bergomensis : Impresse : anno a nativitate domini Millesimo quingentesimo tertio Idibus Decembris : Uenetijs Leonardo Lauretano principe. Fol. 60, coll. c et d. — Cf. : Questiones fratris gratiadei de esculo excellentissimo sacre pagine doctoris predicatorum ordinis per ipsum in florentissimo studio patavino disputate feliciter. Quæst. XIV : Utrum in substantia sit motus. Ed. cit., fol. 124, col. d, et fol. 125, coll. a et b.