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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’enseignement franciscain. Nous la voyons, par exemple, adoptée par un maître séculier tel que Jean le Chanoine.

Dans ses Questions sur tes huit livres des Physiques, Jean le Chanoine consacre une longue question[1] à examiner ce problème : « Dans la quiddité d’une forme accidentelle, y a-t-il des degrés en vertu desquels elle soit susceptible de plus ou de moins et par lesquels elle puisse servir de termes au mouvement ? »

La plus grande partie de cette question est une copie textuelle de ce qu’Antonio d’Andrès avait dit dans son traité Des trois principes ; ce qui ne vient pas d’Antonio d’Andrès est emprunté, non moins textuellement, tantôt à François de Mayronnes, tantôt à François de la Marche.

La doctrine de Richard de Middleton et de Duns Scot ne tarda pas, non plus, à trouver des adhérents parmi les maîtres qui appartenaient à des ordres autres que celui des Mineurs.

Les Ermites de Saint-Augustin devaient, en toute discussion, tenir le partie de Gilles de Rome. À cette consigne, Thomas de Strasbourg ne manque pas. Touchant faccroissement d’intensité d’une forme accidentelle, contre toutes les critiques et, particulièrement, contre celles de Pierre Auriol, il maintient la théorie de Gilles, qu’il appelle : Notre Docteur, Doctor noster[2]. »

Mais dans l’ordre même de Saint-Augustin, la théorie égidienne se vit abandonnée. Celui qui devait succéder à Thomas de Strasbourg comme prieur de cet ordre, Grégoire de Rimini, dans le commentaire sur les deux premiers livres des Sentences, qu’il acheva en 1344 tient également pour la doctrine commune à Duns Scot et à Ockam ; il admet[3] « qu’en toute tension d’une forme, qu’elle se produise successivement ou qu’elle ait lieu subitement, le sujet qui devient davantage de telle sorte (magis tale) acquiert une certaine partie de forme qu’il ne possédait pas auparavant ; de même, en toute détente, le sujet perd une partie de forme qu’il contenait antérieurement », Grégoire emploie toutes les ressources de sa très subtile et très puissante dialectique à réfuter les opinions contraires à cette théorie, particulièrement celle de saint Thomas

  1. Joannis Canonici Questiones super VIII libros Physiconun Aristotelis perutiles ; lib. V, quæst III : Utrum in quidditate formæ accidentalis si dare gradus secundum quos possit suscipere magis et minus, et secundum quos possit motus terminare.
  2. Thomæ ab Argentina. Eremitarum Divi Augustini Prioris Generalis, Commentaria in IV libros Sententiarum. Lib. I, dist. XVII, quæst. II : An habitus caritatis possit augeri ; art II : De modo augendi seu suscipiendi magis et minus, tam caritatis quam cæterarum formarum quæ intenduntur et remittuntur.
  3. Gregorius de Arimino In primum Sententiarum ; Dist. XVIII. quæst. IV.