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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Quoi qu’il en soit, après avoir réfuté cette théorie mise au compte de Godefroid de Fontaines, Antonio d’Andrès formule sa seconde proposition[1] :

« Mon second dire est le suivant : L’augmentation d’une forme accidentelle[2] ne se fait pas par une extraction qui fasse passer de la puissance à l’acte des parties ou degrés virtuels, sans que rien soit ajouté. Pour éclaircir cette proposition, il faut savoir que, selon l’opinion d’Henri, dans la XVIIIe question de son cinquième Quolibet, l’accroissement d’un forme a lieu de la façon qui vient d’être dite. »

Nous ne risquons plus de prendre Antonio d’Andrès pour un tenant d’Henri de Gand. Et nous n’aurons plus de doute sur la doctrine qu’il professe quand nous aurons entendu sa troisième proposition[3] : « L’accroissement d’une forme se fait par addition d’un degré nouveau sans destruction du degré précédent. — Augmentum formæ fit per additionem novi gradus sine corruptione grodus prœcedentis. »

Notre auteur vient maintenant à l’examen du second doute[4] « Comment deux degrés d’une même forme peuvent-ils s’unir pour composer un troisième degré ? »

« Je réponds que le mot : un, se prend dans des sens multiples.

» Une chose peut être une de cette unité essentielle qui consiste dans l’identité et la simplicité. Exemple : L’essence de Dieu et toute relation divine.

» Une chose peut être une parce que les éléments qui la composent sont compatibles (unitate compassibilitatis). Exemple : La substance composée de matière et de forme.

» Une chose peut être une en vertu de la continuité (unitate continuitatis) ; tel un continu quelconque.

» Une chose peut être une à titre d’ensemble hétérogène (unitate heterogeneitatis) ; ainsi en est-il du corps humain.

» Enfin, une chose peut être une a litre de tout homogène (unitate homogeneitatis) ; ainsi en est-il de l’eau et des corps de même sorte.

» Je dis alors que deux degrés d’une même forme font quelque chose qui est une de cette dernière sorte d’unité, les autres sortes

  1. Antonio d’Andrès, loc. cit. ; éd. cit., troisième fol. après le fol. sign. giiij, col. a.
  2. Le texte dit : substantialis.
  3. Antonio d’Andrès, loc. cit., éd. cit., fol. cil., col. c.
  4. Antonio d’Andrès, loc. cit., quantum ad secundum ; éd. cit., fol. cit., coll. c et d.