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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

de moins, c’est précisément cette latitude de degrés (latitudo graduum) ou, en d’autres termes, cette absence de limitation dans la forme dont les divers sujets participent différemment. »

Nous retrouvons ici ce que notre auteur disait en commentant Gilbert de la Porrée, mais le contexte nous empêchera maintenant de le prendre dans un sens favorable à la thèse d’Henri de Gand.

Demandons-nous, en effet, quelles sont les propriétés de ces degrés, quales sint.

« La diversité de ces degrés, dit notre auteur[1], n’entraîne aucune diversité spécifique ; cela est évident, car ce sont des portions d’une même forme spécifique.

» Quant à son degré spécifique, la forme spécifique est indivisible ; mais elle est divisible quant à son degré de perfection (gradus perfectionalis)

» L’individu qui est composé de la forme spécifique et de la propriété individuelle contient en lui ces degrés, : d’une façon qui les réunit (unitive). »

Ces diverses propositions ne se peuvent plus impliquer dans la thèse d’Henri de Gand, mais seulement dans celle de Richard de Middleton. Les derniers doutes, d’ailleurs, vont se dissiper.

Antonio nous déclare[2], en effet, qu’il y a lieu d’examiner « trois doutes. Le premier concerne l’augmentation de ces degrés. Le second a rapport à leur union. Le troisième a trait à leur perfection.

» Touchant le premier doute, j’énonce trois propositions.

» La première, c’est que dans le mouvement par lequel une forme accidentelle croît en intensité ou s’atténue, la forme précédente n’est pas détruite. Pour comprendre cela il faut savoir que Godefroid admet ceci : Lorsqu’un corps blanc devient plus blanc ou moins blanc, la forme préexistante est détruite en totalité et un nouvel individu de forme est engendré. »

Il est coutumier de voir les Scolastiques attribuer cette doctrine à Godefroid de Fontaines ; les éditeurs, bien souvent, renvoient à la septième quesion du septième Quolibet de cet auteur ; cette question ne contient rien qui ait rapport à la théorie dont il s’agit ici ; nous ne l’avons rencontrée nulle part dans les Quolibets de Godefroid où se lit, en revanche, un adhésion très formelle à la thèse de saint Thomas d’Aquin.

  1. Antonio d’Andrès, loc. cit., quantum ad secundum ; éd. cit., fol. cit., coll. a et b.
  2. Antonio d’Andrès, loc. cit., de tertio circa prœdicta, éd. cit., fol. cit., coll. c et d.