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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

doué d’unité, on le rencontre dans la matière et dans la forme qui s’unissent pour donner une substance. C’est à cette union de la matière et de la forme engendrant une substance qu’on peut comparer l’union de deux degrés distincts d une même forme qualitative, donnant une troisième forme plus intense que chacun deux. « Ils sont unis entre eux de manière à constituer une chose absolue et une par elle-même, qui résulte d’eux. Uniuntur ad constituendum aliqaod per se unum absolutum ex eis resultans. »

Toutefois, il ne faudrait pas pousser trop loin la comparaison entre l’union de la matière et de la forme, d’une part, et l’union de deux degrés d’une forme accidentelle, d’autre part ; si ces deux degrés sont unis, « ce n’est pas en vertu d’une information de l’un d’eux par l’autre. »

Il est, en revanche, une analogie à laquelle François de la Marche ne paraît pas imposer de bornes : « De même, dit-il, les parties d’une grandeur continue, d’une ligne par exemple, sont distinctes les unes des autres, car l’une d’elles peut demeurer lorsqu’une autre est détruite ; toutes ces parties, cependant, sont une seule chose, et par cette double unité, par l’unité que constitue leur union entre elles, par l’unité qui consiste en leur identité dans une troisième chose, leur résultante. »

Entre la quantitas molis et la quantitas virtutis, notre auteur ne semble plus tracer aucune démarcation.

De tous les Franciscains qui ont suivi Richard de Middleton dans la voie où il s’était engagé, nul n’a poussé plus loin qu’Antonio d’Andrea. Toutefois, la pensée de ce maître ne se manifeste pas avec une égale clarté dans tous les écrits sortis de sa plume.

Ainsi, Antonio d’Andrès, en son Commentaire aux Sentences[1], admet bien qu’en un corps qui blanchit, le degré préexistant de blancheur n’est pas détruit et que l’accroissement de blancheur est dû à l’addition d’une réalité nouvelle, d’un degré nouveau, qui s’unit au précédent pour composer une forme individuelle unique ; mais son exposition est fort concise, fort peu explicite, en sorte qu’on la pourrait aussi bien solliciter dans le sens de l’enseignement d’Henri de Gand que dans le sens de l’enseignement scotiste.

C’est vers le premier de ces enseignements que semble pencher Antonio d’Andrès lorsqu’il commente le Livre des six principes de

  1. Ant. Andreae Conventualis Francisani, ex Aragoniae ac Ioannis Scoti Doctoris Subtilis discipuli celeberrimi in quatuor Sententiarum Libros opus longe absolutissimum… Venetiis, Apud Damianum Zenarum. MDLXXIII. In. I Lib. Distinct. XVII, quæst. III, foll. 36 vo et 87 ro.