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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

nier degré est ainsi plus parfait que tous ceux qui le précèdent et en contient toutes les perfections. »

Cette première conclusion a pour objet d’exclure la notion des degrés successifs que concevaient Henri de Gand et ses partisans.

« La seconde conclusion principale est celle-ci : La charité ou toute autre forme qui croît en intensité (intenditur), croît en intensité parce qu’une entité véritable est apposée à la forme précédente.

» Voici la troisième conclusion : Toute forme qui augmente ou devient plus intense, le devient par l’apposition d’une certaine entité qui est distincte de la précédente ; mais en chacune de ces deux quantités se conserve la raison spécifique propre de la forme dont il s’agit.

» Cette conclusion est posée contre certains auteurs ; ceux-ci imaginent que ce qui se trouve ainsi ajouté à la charité préexistante par l’effet de l’accroissement de la charité, n’est pas un individu de l’espèce charité (individuam caritatis), mais seulement un complément de la charité précédente, une sorte de terme extrinsèque… »

Cette conclusion vise Pierre Auriol et sa concaritas.

François de la Marche s’attache tout spécialement à préciser de quelle façon deux degrés d’une même forme sont distincts, et de quelle manière ils s’unissent entre eux pour produire une forme plus intense.

La seule distinction qu’il y ait entre eux, c’est celle qui nie l’identité de l’un avec l’autre ; « autre est l’entité de l’un, autre est l’entité de l’autre » ; ils sont donc différents « en vertu de leurs raisons propres et individuelles », mais seulement de la différence qui vient d’être précisée,

D’autre part, de ces deux degrés, dont l’un précède et l’autre suit, on peut dire qu’ils ne font qu’un (sunt idem), et cela de deux manières.

Ils ne font qu’un d’abord, en vertu de cette unité essentielle que constitue leur mutuelle union.

Ils ne font qu’un, ensuite, en vertu de cette autre unité essentielle qui les identifie dans une même troisième chose, dans la forme composée par leur addition.

La substance et l’accident, eux aussi, ne font qu’un, de la première de ces deux unités, car ils sont essentiellement unis entre eux ; mais la substance et l’accident ne possèdent pas le second genre d’unité ; leur union ne les identifie pas au point que ce qui en résulte soit une chose une.

Ce second genre d’unité, cette union d’où résulte un composé