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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

seule et même essence peut se trouver soit sous une existence atténuée, soit sous une existence intense, sans qu’aucun changement soit accompli dans l’essence. »

À la réfutation de cette théorie égidienne, succèdent l’exposé et la réfutation de l’opinion soutenue par Guillaume Varon :

« La troisième façon de répondre est plus exacte que les précédentes ; la voici : Une forme devient plus intense ou plus atténuée à la fois quant à son existence et quant à son essence distincte [de l’existence]. Mais dans l’essence, il y a deux sortes de parties. Il y a des parties formelles et quidditatives ; telles sont les diverses parties de la définition, comme le genre et la différence. Il y a aussi des parties matérielles et individuelles qui sont extrinsèques à l’essence, qui sont en dehors de sa nature (ratio). On dit alors qu’une forme qui devient plus intense ou moins intense le devient suivant les parties matérielles et individuelles de l’essence, et non pas selon les parties quidditatives et formelles. »

Ces diverses opinions rejetées, François, comme il nous l’avait promis, nous fait connaître sa pensée :

« En second lieu, donc, je donne une autre réponse : Une forme augmente ou diminue aussi bien suivant ses degrés individuels que suivant ses degrés quidditatifs ou formels ; elle varie selon sa nature (ratio) tout entière…

» Il est, en effet, certain que tel corps blanc est plus blanc que tel autre ; cela ne saurait cire s’il ne participait davantage de la nature (ratio) de la blancheur ; parlant, l’essence spécifique de la blancheur, à laquelle il participe, est elle-même susceptible de plus ou de moins ; il en est de même de sa définition. »

Puisque l’accroissement d’une forme accidentelle porte sur tout ce qui constitue l’essence de cette qualité, comment cet accroissement se fait-il ?

« Pour résoudre cette question, dit notre auteur[1], je pose trois conclusions :

» La première, c’est que, dans une forme qui devient plus intense, tous les degrés sont de même nature (ratio) ; ils ne sont pas de différentes natures, comme certains l’imaginent ; ceux-ci disent, en effet, que ces degrés ne sont pas de même nature, qu’il y a entre eux un certain ordre essentiel, de telle façon que le degré postérieur, celui qui vient après un autre, est plus parfait que le précédent et contient en lui toute la perfection de celui-ci ; le der-

  1. Francisci de Marchia Op. laud., lib. I, dist. XVII, quæst. V. : Quinto quero utrum forma accidentalis augeatur per additionem alicujus positivi. Ms. cit., fol. col. a, à fol. 51, col. a.