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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

en des sujets distincts, comme auparavant ; aussi la chaleur n’en est-elle pas augmentée ; mais elle serait accrue si l’addition des deux tiédeurs se faisait en un même sujet. »

Entre la pensée de Jean de Bassols et celle de Guillaume d’Ockam, l’accord est parfait.

Dans son Conflatus sur le premier livre des Sentences qui est, nous l’avons vu[1], de 1321, et qui est donc à peu près contemporain de l’Écrit sur les Sentences de Guillaume d’Ockam, François de Mayronnes prend la même attitude que ce dernier auteur ; il soutient la thèse de Richard de Middlelon et de Duns Scot, et réfute ou, du moins, interprète, l’opinion de Pierre Auriol.

François de Mayronnes établit[2] une parité complète entre l’accroissement d’une grandeur continue et l’opération par laquelle une qualité, telle la chaleur ou la charité, devient plus intense.

« De même qu’un accroissement d’étendue ne se peut faire qu’au moyen de parties extensives, de même un accroissement d’intensité, tel un accroissement de charité, ne se peut faire qu’au moyen de parties intensives ; mais de telles parties sont des degrés ; l’accroissement de la charité se fait donc par le moyen de degrés.

» D’ailleurs, l’augmentation se fait nécessairement à l’aide des choses en lesquelles, nécessairement, se résout ce qui a été augmenté ; or ceci se résout en parties homogènes ; c’est ce que montre la division de la ligne, qui est une résolution ; il faut donc que, de même façon, l’accroissement d’intensité se fasse par le moyen de degrés…

» Je dis donc que des degrés, comme des parties, on peut concevoir qu’ils soient homogènes ou bien qu’ils soient hétérogènes. Si on les conçoit de cettle seconde manière, le dernier ne serait pas de même nature que le premier ; dans ce cas, l’accroissement d’intensité ne se fait pas par de tels degrés. Mais si l’on conçoit les degrés de la première manière, je dis que l’accroissement d’intensité se fait par degrés et par parties…

» Mais à ces propositions, on fait quatre objections. En premier lieu celle-ci : Quiconque admet que l’accroissement d’intensité se fait par degrés, est obligé de supposer un ordre essentiel entre ces degrés ; le degré plus parfait présuppose, en effet, degré essentiellement moins parfait, puisqu’il comprend en lui ce

  1. Voir Quatrième partie ; tome XI : chap. VI, § I, p. 454.
  2. Francisci de Mayronis In primum Sententiarum scriptum Conilatus nominatum. Dist. XVIII, quæst. II. Utrumt augmentum charitatis fiat per gradus. Art. I (Francisci de Mayronis Opera, éd. Venetiis, 1520 ; fol. 72, coll. b et c.).