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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

dont nous parlons, au degré de cette forme qui préexistait dans le sujet vient s’adjoindre un nouvel individu de la même forme, il esl manifeste que du degré précédent et du degré nouveau se constitue un individu total unique, et l’on a la forme en un autre degré. »

Un exemple précisera pour nous la pensée de Jean de Bassols.

Considérons des corps échauffés. En chacun de ces sujets, la forme qualitative qui est la chaleur a une certaine extension, qui dépend de la grandeur du corps échauffé, et une certaine intensité, qui fait dire que tel corps est plus chaud que tel autre sans que l’on tienne compte de leurs grandeurs respectives. Chacune de ces intensités est un individu de la même forme spécifique que nous nommons chaleur ; elle est aussi un degré de chaleur. Ges chaleurs individuelles sont, d ailleurs, plus ou moins fortes, ces degrés de chaleur sont plus ou moins élevés, selon que les divers sujets où nous les voyons réalisés sont plus ou moins chauds. Mais en un même sujet, à un même instant, il y a une seule chaleur individuelle, un seul degré de chaleur.

Si nous prenons la chaleur individuelle ou le degré de chaleur qui était réalisé en un certain corps tiède ; si nous le supposons détaché du sujet où il se trouvait concrétisé pour le transporter en un autre corps tiède, il va se joindre à la chaleur individuelle, au degré de chaleur qui préexistait en ce dernier sujet, et de ces deux chaleurs individuelles se formera une chaleur individuelle unique plus parfaite, partant plus intense, que chacun des deux individus composants ; de ces deux degrés de chaleur se constituera un degré unique plus élevé que chacun des deux degrés préexistants ; en ajoutant une tiédeur à une tiédeur, ou aura produit une chaleur.

Que l’on n’aille pas faire à notre auteur cette objection : De l’eau tiède ajoutée à de l’eau tiède ne donne pas de l’eau chaude ; Guillaume Varon lui a enseigné à ne pas redouter cette objection ; il répond, fort justement d’ailleurs, qu’après cette opération, les deux tiédeurs ne sont, pas plus qu’avant, au sein du même sujet :

« Les deux corps chauds que voici sont quelque chose de plus que chacun d’eux ; cela résulte clairement de l’effet qu’ils produisent, car, réunis, ils engendrent en un troisième corps une chaleur plus intense que celle que chacun d’eux y engendrait isolément ; si donc on ajoutait la chaleur de l’un à la chaleur de l’autre, on produirait quelque chose de plus grand en intensité, de même que l’effet de ces deux chaleurs est plus intense que l’effet de chacune d’elles prise isolément. Cela se voit clairement en prenant exemple des poids ; deux pierres ou deux graves pris ensemble pèsent plus