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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

moindre étaient toutes deux séparées du sujet où elles se trouvent, la plus grande aurait, en elle, la réalité positive de la plus petite et, en outre, une autre réalité ajoutée à celle-là ; et cela en supposant, par impossible, que toute relation avec le sujet fût supprimée. De même, si l’on supposait que la quantité de masse (quantitas molis) fût séparée de son sujet et, par impossible, qu’elle n’eût aucune inclination vers ce sujet, une quantité étendue continuerait à être plus grande qu’une autre ; la plus grande contiendrait toute la réalité positive de la plus petite et, en outre, quelque chose qui serait ajouté à cette réalité. »

Comme Richard de Middleton, Duns Scot admet que la forme qualitative « est douée de la simplicité qui s’oppose à la quantité de masse ; lorsqu’on ajoute une telle forme à une forme semblable, on n’obtient rien qui soit plus grand en masse (majus secundum molem)… Qu’on accorde donc à la forme cette simplicité opposée à la quantité de masse ; il n’y aura rien là qui contredise à l’intensité, car celle-ci se rapporte à la quantité de perfection et de force (quantitas perfectionis et virtutis) ».

La théorie dont Richard de Middleton et Jean de Duns Scot ont tracé l’esquisse, nous la voyons dessinée en contours très fermes par l’élève préféré de Duns Scot, Jean de Bassols.

Du premier coup[1], la discussion de Jean de Bassols pénètre au cœur même de la question ; elle définit le sens étroit du terme quantité en la Logique d’Aristote et le sens infiniment plus large que lui ont attribué Richard de Middleton et Jean de Duns.

« Je dis, en premier lieu, qu’il y a deux sortes de quantités.

» Il y a, d’abord, la quantité de masse (quantitas molis) qui est un rapport d’étendue[2], ou la quantité discontinue (quantitas discretionis) ; cette quantité-là est une catégorie ; par le genre dans lequel elle se range, elle est une détermination de l’être.

» Il y a, d’autre part, une quantité transcendante ; c’est la quantité de perfection en l’essence, ou la quantité de force en l’action (quantitas perfectionis in essendo vel virtutis in agendo) ; cette quantité-là n’est d’aucun genre déterminé. »

À l’appui de cette distinction, Jean de Bassols, comme l’avait fait Richard de Middleton, invoque ce texte de saint Augustin :

  1. Opera Joannis de Bassolis Doctoris Subtilis Scoti (sua tempestate) fidelis Discipuli, Philosophi, ac Theologi profundissimi, In Quatuor Sententiarum Libros (credite) Aureaee… Venundantur a Francisco Regnault : Et Joanne Frellon, Parisiis. In fine : Anno JESU Aeterni Regis sesquimillesimo decimoseptimo Nono Idus Septembres. Lib. I, dist. XVII, quæst. II : Utrum charitas augeatur vel potest augeri ? foll. cxiiii-cxvii.
  2. Au lieu de : extensionis, le texte très fautif, porte : intentionis.