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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

dans une quantité de force. Bien plus ! Elle est, à vrai dire, une certaine quantité de force (quantitas virtualis). De même qu’une certaine quantité de masse (quantum mole), ajoutée à une quantité semblable, donne quelque chose qui est plus grand en masse ; de même un certain degré d’une quantité de force ajouté à un degré semblable produit quelque chose qui est plus grand en force. On peut dire également, selon l’opinion que le Philosophe expose au IIIe livre de la Métaphysique : Bien qu’un indivisible ajouté à un indivisible ne fasse pas quelque chose de plus grand, il donne néanmoins quelque chose de plus. En ce qui concerne la charité, bien que ce qui est ajouté soit simple et qu’il en soit de même de ce à quoi on l’ajoute, de cette addition résulte cependant quelque chose qui, en essence, est plus, partant, quelque chose qui est meilleur et, par conséquent, quelque chose qui est plus grand ; car, selon saint Augustin (VI De Trinitate, capp. VII et VIII) : Dans le domaine des choses qui ne sont pas grandes par la masse, être plus grand, c’est être meilleur. »

Le franciscain anglais Guillaume Vare ou Varon commentait assurément les Sentences vers la fin du xiiie siècle ; il a été, en effet, le maître de Jean de Duns Scot. En ses Questions sur l’écrit de Pierre Lombard[1], il ne faut pas chercher la netteté et la vigueur de pensée qui se marque en celles de Richard de Middleton ; prolixe, confuse, peu ordonnée, la discussion de Guillaume Varon n’aboutit bien souvent qu’à des conclusions hésitantes, qui sont moins une synthèse des opinions émises par divers auteurs qu’une cote mal taillée entre ces opinions.

La charité croît-elle par addition de quelque partie positive ? C’est une des questions que Guillaume Varon discute comme l’ont discutée ses prédécesseurs[2].

  1. Nous avons lu ces Questions dans le manuscrit no 163 de la Bibliothèque municipale de Bordeaux. C’est un beau manuscrit du xive siècle, écrit sur parchemin, à deux colonnes, orné de capitales rouges et bleues ; l’écriture est très lisible, malgré de nombreuses ligatures ; malheureusement, le copiste, ignorant le latin aussi bien que le sujet traité, a semé son ouvrage d’une multitude de fautes ; un lecteur du xive siècle en a corrigé un bon nombre par des annotations marginales. L’ouvrage ne porte pas de titre ; il commence (fol. I, col. a) en ces termes ; Queritur utrum finis per se et proprius theologie ut est habitus scientificas perficiens viatorem sit cognitio veri vel dilectio bon. Quod cognitio boni videtur quia Johannis 3o dicitur… La dernière phrase de l’ouvrage est : … Quod non obstante quod si cognocitivus qualitatum tangibilium, tamen patitur qualitatibus tangibilibus. Elle est suivie de ces mots : Explicit liber quartus Varonis. Vient ensuite une Summa omnium questioruun hujus libri et une Reduccio precedentium questionum per alfabetam.
  2. Guillelmi Varonis Quæstiones in libros Sententiarum ; quæst. 67a : Queritur utrum charitas augetur per additionem alicujus partis positivæ ? (Circa lib, I, dist. XII ; ms. cit., fol. 54, col. a, à fol. 56, col. a).