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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

échappe nullement ; bien loin de chercher à dissimuler cette analogie, il la déclare de la manière la plus formelle[1] ; à côté de la quantité entendue au sens d’Aristote, et qu’il nomme quantité de masse (quantitas molis), il place l’intensité de la qualité, qu’il nomme quantité de force (quantitas virtutis).

« La charité peut augmenter, dit-il, parce que toute quantité qui est imparfaite peut augmenter. Or il y a deux sortes de quantités, savoir : la quantité de masse (quantitas molis) et la quantité de force (quantitas virtutis) ; dès lors, il y a deux sortes d’augmentations, l’augmentation relative à la quantité de masse et l’augmentation relative à la quantité de force. La charité étant une quantité, elle peut augmenter en force tant qu’elle n’a pas atteint son terme. Et comme, par essence, la charité est force, de telle sorte que la charité et la force de la charité ne sont distinctes l’une de l’autre qu’en la seule raison, il faut admettre que la charité croît par essence…

» La quantité de force ne se mesure pas seulement par le nombre des objets (soumis à l’action de cette force), ce qui en donne la mesure extensive, analogue à celle de la quantité discontinue ; elle se mesure encore par l’intensité de l’acte produit en un même objet et, par là, elle ressemble davantage à la quantité continue. C’est de cette seconde manière que la charité augmente, non de la première. »

Que, d’ailleurs, cette augmentation de la charité résulte de l’addition d’une charité nouvelle à une charité préexistante, Richard de Middleton va l’affirmer[2] :

« L’âme devient plus charitable parce qu’à la charité qui préexiste en cette âme, la puissance divine ajoute un degré nouveau de cette essence qu’est la charité ; de ce degré nouveau et du degré préexistant de charité, une essence de charité plus parfaite se trouve constituée ; le premier degré, en effet, était en puissance de recevoir le degré ultérieur, de la même manière qu’une chose incomplète est en puissance du degré plus complet. »

« … Si l’on oppose à cette opinion l’objection suivante : Une chose simple ajoutée à une chose simple ne donne rien de plus grand, je réponds en ces termes : Bien que la charité soit simple en ce sens qu’elle n’a pas de quantité de masse, elle possède cepen-

  1. Clarissimi Theologi Magistri Ricardi de Mediavilla super quatuor libros Sententiarum Petri Lombardi quæstiones subtilissimæ. Brixæ, MDXCI, lib. I, dist. XVII, art. II, quæst. I : Utrum charitas possit augeri ? Tom. I, p. 162.
  2. Ricardi de Mediavilla Op. laud., lib. I, dist. XVII, quæst. II : Utrum charitas augeatur per additionem novæ charitatis ? T. I, pp. 162-164.