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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

posé ; cette forme unique contient la forme moins parfaite et contient davantage encore ; par conséquent, elle ajoute quelque chose à la forme moins parfaite ; de même que le nombre plus grand contient en soi le nombre moindre qui existe aussi en dehors de lui, et qu’il ajoute quelque chose ; que, par exemple, le nombre quatre contient en soi, d’une manière virtuelle et quantitative, le nombre trois qui existe aussi à part, et qu’il y ajoute une unité ; de même, la forme la plus parfaite ajoute une certaine perfection à la forme moins parfaite quelle contient virtuellement. Mais, en ce qui concerne les nombres, on peut, au plus petit nombre, au nombre trois par exemple, ajouter une unité nouvelle qui constitue, avec les trois unités précédentes, le nombre quatre qui est un nombre plus grand ; au sujet des formes, une semblable opération n’est plus possible ; une nouvelle forme ne peut survenir et s’adjoindre à une forme déjà existante en la matière pour constituer une forme plus parfaite.

» Et double est la raison de cette différence. L’addition du nombre au nombre se fait par parties entières et quantitatives qui représentent la grandeur de l’excès d’un nombre sur l’autre ; et cet excès est d’une nature telle qu’il revient au même, pour obtenir le plus grand nombre, que nous prenions le plus petit nombre et que nous ajoutions quelque chose, ce qui fait du plus petit nombre une partie du plus grand, ou bien que nous formions le plus grand nombre d’une manière indépendante en réunissant toutes les unités dont il se compose ; d’une manière comme de l’autre, le plus grand nombre surpasse le plus petit de la même quantité. Mais si une forme surpasse une autre forme de même genre, c’est en perfection [et non pas en quantité] ; toute la perfection qui se trouve en la forme la moins parfaite est aussi, de soi, en la forme la plus parfaite ; en cette dernière, donc, la perfection ne croîtrait aucunement si on lui adjoignait la forme la moins parfaite. Toute forme est simple ; aucune d’elles n’est composée de plusieurs formes ; plus une forme est simple, plus elle est parfaite ; or, en ce qui concerne les nombres, il en est tout au contraire, car un nombre est d’autant plus composé qu’il est plus grand ; il ne saurait donc y avoir addition d’une forme à une forme préexistante comme il peut y avoir addition d’un nombre à un nombre préexistant.

» Voici la seconde raison de cette différence : Le nombre n’est pas quelque chose qui soit simplement un ; c’est un agrégat d’unités ; il est de sa nature d’avoir plusieurs parties dont chacune existe d’une manière actuelle ; en sorte que, de quelque manière que l’on ajoute une partie à une autre partie, on obtient un nom-