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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

(esse formatiler perfectius igne), il n’y a cependant aucun rapport (adœquation) de la chaleur du feu à la chaleur du Soleil. »

Godefroid applique[1] une semblable doctrine à la charité[2]. La charité qu’un homme possède ici bas pourrait croître indéfiniment en lui, au point de surpasser tout degré concevable[3], et cependant, elle ne saurait jamais atteindre le plus petit degré qui se puisse concevoir de cette autre charité dont nous jouirons au Ciel, « et cela parce que les natures (rationes) de ces deux charités sont différentes, incomparables et sans aucun rapport entre elles, » Et notre auteur de donner à ce sujet un exemple géométrique tiré de l’angle rectiligne droit et de l’angle de contingence, c’est-à-dire de l’espace compris entre un arc de cercle et sa normale. « Plus le cercle est grand, plus l’angle contingence est grand, et cependant, il ne peut jamais devenir égal à un angle droit ; cependant, étant donné un cercle quelconque, on peut imaginer un cercle plus grand et, parlant un plus grand angle de contingence. »

L’intention de Gilles de Rome, lorsqu’il dispute de l’accroissement des formes, est assurément de réfuter les contradicteurs de saint Thomas d’Aquin et de préciser la doctrine de celui-ci.

C’est du Doctor communis qu’il s’inspire pour combattre[4] « ceux au gré desquels la charité augmente par voie d’addition, de telle façon que d’une première charité et d’une seconde charité se fait une charité plus grande que chacune d’elles. Mais s’il en était ainsi, il faudrait qu’une de ces deux charités-là fût en puissance à l’égard de l’autre ; le Commentateur dit en effet, sur le premier livre du traité De la génération que de choses qui sont vraiment multiples, ne se peut faire une chose une ; et à la fin du VIIIe livre de la Métaphysique, le Philosophe veut que de deux choses dont se fait un troisième être doué d’unité, l’une soit en puissance à l’égard de l’autre… Si donc une chose unique se faisait au moyen d’une première charité et d’une seconde charité, c’est que cette seconde charité serait la forme de la première ; elle serait ainsi la forme d’une forme…

  1. Godefredi de Fontibus Op. laud., quodlib. VII, quæst. XII : Utrum caritas posait augeri in infinitum (Les philosophes belges. Textes et études. Tome IIL Les Quodlibet cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, par De Wulf et Hofmans, Louvain, 1914, pp. 887 sqq.)
  2. Godefroid de Fontaines, loc. cit., ; éd. cit., p. 392.
  3. Primus Egidii D. Egidii Ro. columne fundamentarii doc. Theologorum principis. Bituricensis archiepi. S. R. E. Cardinalis ordinis Eremi. sancti Augu. Primus sententiarum : Correctus a reverendo magistro Augustino Montifalconio eiusdem ordinis. — Cx>lophon : Venetijs Impressus sumptibus et expensis heredum quondam Domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis : ac sociorum. Die 19 Martii 1521. Distinctio XVII, Pars II, principalis I, quæst II. art. I : Utrum charitas angeatur per additionem alterius charitatis ; fol. 95, col. d, et fol. 96, col. a.
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