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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

IV
Le minimum naturel d’une substance


Aucune grandeur continue ne se compose d’indivisibles ; donc quelque nombreuses et quelque petites que soient les parties en lesquelles une grandeur a été divisée, on peut encore subdiviser ces parties en autant de parcelles que l’on voudra. Si divisés soient-ils en une foule de circonstances, les maîtres que nous venons d’entendre s’accordent tous à proclamer cette vérité.

De ce que la division d’une grandeur peut être poursuivie sans limite, en résulte-t-il qu’elle puisse se continuer indéfiniment sans altérer la substance sur laquelle elle porte ? Cette substance gardera-t-elle toujours la même nature, quelque petites que soient les parcelles en lesquelles on la réduit ? C’est une nouvelle question qui va grandement préoccuper la Scolastique.

Les maîtres qui traiteront cette question aimeront à s’autoriser d’un texte d’Aristote ; ce texte se lit au premier livre de la Physique ; alors qu’il discute le fameux axiome d’Anaxagore et d’Empédocle : Tout est dans tout, le Stagirite écrit[1] : « Le volume de la chair est borné en grandeur comme en petitesse. Τῆς δὲ σαρκὸς ὥρισται τὸ ποσὸν καὶ μεγέθει καὶ μικρότητι ».

Ce texte ne semble guère avoir retenu l’attention d’Averroès, car celui-ci se borne à écrire, en son commentaire[2] : « Il est manifeste de soi que le volume de la chair est limité en grandeur comme en petitesse. » Mais très vite, la Scolastique latine s’est emparée de cette courte phrase et a développé l’idée qu’elle contenait, en germe.

Robert Grosse-Teste a donné, de la Physique d’Aristote, un commentaire très concis, puisqu’il remplit à peine quelques pages, mais où se trouve en germe plus d’une idée féconde. Cette Summa est, dans quelques anciennes éditions[3], jointe à l’exposition que

  1. Aristote, Physique, livre I, ch. IV.
  2. Aristotelis Stagiritæ Physicorum libri VIII cum Averrois Cordubensis in eosdem commentariis ; lib. I, comm. 38.
  3. Emptor et lector areto. Divi Thome aquinatis in libros physicorum Aristotelis interpretatio sum et expositio… Colophon : Expliciunt preclarissima commentaria Divi Thome Aquinatis… Impressa vero in inclita Venetiarum urbe per Bonetum Locatellum Bergomensem presbyterum mandato et sumptibus heredum Nobilis Viri domini Octaviani Scoli Civis. Modoetiensis Anno a nativitate domini quarto supra millesimum quinquiesque centisimum. Sexto Idus apriles. Après ce colophon, fol. sign. Q, col. a : Divi Roberti Linconiensis super octo libris physicorum brevis et utilis summa feliciter incipit.