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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

tantes, et les parties ajoutées sont de même espèce que les parties auxquelles elles s’ajoutent.

Qu’il s’agisse donc de la quantité discontinue ou de la quantité continue, certaines propositions demeurent également vraies ; des quantités de grandeurs différentes peuvent être cependant de même nature, de même espèce ; elles sont toutes deux formées par la réunion de parties homogènes les unes aux autres ; seulement, la plus grande des deux quantités contient un plus grand nombre de parties que la plus petite ; elle peut être engendrée, à partir de cette plus petite quantité, par l’addition de nouvelles parties absolument semblables à celles qui formaient cette plus petite quantité ; dans la quantité la plus grande ainsi obtenue, la quantité plus petite demeure contenue ; l’opération par laquelle on l’a fait croître, simple juxtaposition de parties nouvelles, ne l’a ni détruite, ni modifiée.

La catégorie de la qualité est essentiellement distincte de la catégorie de la quantité ; rien de ce qui peut être dit de celle-ci ne saurait être témérairement étendu à celle-là.

Il peut arriver que deux qualités de même sorte n’aient pas même intensité : un corps peut être plus chaud qu’un autre ; au premier corps, cette forme qualitative qu’est la chaleur est plus intense (intenditur) ; au second, elle est plus atténuée (remittitur). Gardons-nous bien de répéter au sujet de l’intensio et de la remissio de la chaleur ce que nous sommes en droit de dire de la grandeur et de la petitesse d’une quantité. Ni la chaleur intense ni la chaleur atténuée n’est une réunion de parties de chaleur qui soient toutes de même espèce, qui soient toutes homogènes à des chaleurs plus intenses qu’elles fourniraient en s’ajoutant les unes aux autres ; la chaleur plus intense ne saurait aucunement être engendrée en prenant, sans la détruire ni la modifier, la chaleur moins intense et en adjoignant à celle-ci de nouvelles parties de chaleur ; la chaleur moins intense n’existe pas, actuellement et réellement, en la chaleur plus intense de la même manière que le contenu plus petit existe, actuellement et réellement, à l’intérieur du contenant plus grand. Chaque chaleur d’une intensité donnée est une chaleur d’une espèce déterminée, et cette espèce est distincte de l’espèce à laquelle appartient toute chaleur d’une autre intensité ; une chaleur atténuée ne peut être regardée comme une partie d’une chaleur plus intense ; toute chaleur d’intensité donnée est quelque chose d’essentiellement indivisible.

Puisqu’une chaleur atténuée ne se transforme pas en chaleur intense par l’addition de nouvelles parties de chaleur, à la façon