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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

l’un de ces problèmes consistait à étudier comment, en un mouvement difforme, la vitesse varie d’une partie à l’autre du mobile ; l’autre consistait à analyser comment, en un mouvement irrégulier, la vitesse varie d’un instant à l’autre. Le premier problème avait déjà sollicité l’attention de l’auteur du De proportionalitate motuum et magnitudinum, de Thomas Bradwardine, d’Albert de Saxe ; le second ne pouvait demeurer bien longtemps délaissé.

Dès le temps d’Albert de Saxe, la similitude des deux problèmes avait conduit plusieurs scolastiques à les énoncer en un langage semblable ; les mots uniformitas, difformitas étaient employés en un cas comme en l’autre ; on se bornait à les préciser par la mention quoad mobile ou par la mention quoad tempus. Albert avait tenté, nous venons de le voir, d’adapter aux deux questions des terminologies différentes ; mais sa tentative ne semble pas avoir été couronnée de succès ; les mots régulier, irrégulier furent délaissés et les mots uniforme, difforme, eurent seuls cours.

Bientôt, on vit apparaître un vocable dont il nous serait impossible de nommer l’inventeur ; ce vocable servait à désigner le mouvement dont la vitesse croît ou décroît proportionnellement au temps, le mouvement que nous appelons uniformément varié ; un tel mouvement fut désigné par les scolastiques comme étant uniformément difforme (uniformiter difformis). Nous trouverons cette expression dans l’usage commun de maîtres de l’École d’Oxford qui furent contemporains d’Albert de Saxe ou qui furent même plus anciens que lui.


IV
DE INTENSIONE ET REMISSIONE FORMARUM


Quantité et qualité constituaient, pour Aristote, deux catégories essentiellement distinctes. Discontinue, comme le nombre, la quantité est une somme d’unités ; le nombre croît par l’addition de nouvelles unités à celle qui le composaient déjà. Continue, comme la longueur, la surface ou le volume, la quantité est une juxtaposition de parties ; les parties d’une grandeur ont, toutes, même nature les unes que les autres et même nature que la quantité formée par leur réunion ; toutes les parties d’une longueur sont des longueurs, toutes les parties d’une surface sont des surfaces, toutes les parties d’un volume sont des volumes ; une quantité croît par l’addition de parties nouvelles aux parties préexis-