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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

d’une autre chose ; des mouvements sont dits avoir des vitesses égales lorsqu’en des temps égaux, ils décrivent des longueurs égales ; et des rotations sont dites avoir des vitesses égales lorsque les corps mus par ces rotations décrivent, en des temps égaux, des angles égaux autour des centres de leurs rotations.

» D’autre part, la régularité du mouvement est relative au temps ; ce mouvement est dit régulier en lequel le mobile se meut avec une égaie vitesse durant une certaine partie du temps et durant toute autre partie ; mais ce mouvement est dit irrégulier par lequel le mobile est mû plus vite durant une partie du temps et plus lentement durant une autre partie.

» Il est toutefois à savoir que certains font une distinction au sujet de l’uniformité du mouvement, disant qu’elle peut provenir soit de la part des diverses parties du mobile, soit de la part des diverses parties du temps. L’uniformité entendue au premier sens est exactement la même chose que l’uniformité que nous avons distinguée de la régularité ; l’uniformité entendue au second sens est la même chose que la régularité. Mais ces auteurs n’usent pas du terme uniformité avec autant de propriété que nous le pouvons faire, moyennant lesdites définitions.

» Il faut savoir, en outre, qu’il n’y a pas de contradiction à ce qu’un certain mouvement soit uniforme et ne soit pas régulier. Ainsi en est-il de la chute d’un grave en un milieu uniforme ; ce grave se meut uniformément, parce qu’une partie se meut aussi vite que toute autre partie ; et cependant, il ne se meut pas régulièrement, parce qu’il se meut à la fin plus vite qu’au commencement.

» De même, un mouvement peut, sans contradiction, être régulier et n’être pas uniforme ; cela se voit clairement par une roue qui, en des temps égaux, décrirait des angles égaux : un tel mouvement de cette roue serait régulier, mais il ne serait pas uniforme, puisque les parties centrales de la roue ne se mouvraient pas aussi vile que les parties périphériques.

» En troisième lieu, il faut remarquer qu’un même mouvement pourrait, sans contradiction, être à la fois uniforme et régulier ; si, par exemple, quelque grave tombait en un milieu dont la résistance serait si exactement proportionnée que ce grave parcourût des espaces égaux en des temps égaux, le mouvement de ce grave serait à la fois uniforme et régulier. »

En ce passage d’une si parfaite clarté, le Maître parisien nous montre comment deux problèmes se trouvaient rapprochés, en la pensée des philosophes de l’École, par leur évidente analogie ;