Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

Bradwardine a attribué ce titre : De proportionalitate motuum et magnitudinum. Elle concorde fort bien, semble-t-il, avec celle que le Maître parisien, probablement inspiré par ce petit traité, a admise au sujet du mouvement rectiligne, il se refuse, cependant, à mesurer de la sorte la vitesse du mouvement de rotation.

La définition à laquelle, assez malencontreusement, il donne la préférence, c’est celle que nous avons entendu prôner par Thomas Bradwardine : La vitesse du mouvement circulaire se mesure par la longueur de la ligne que décrit le point du mobile qui se meut le plus rapidement.

Si Albert de Saxe nous semble avoir été mal inspiré lorsqu’il a suivi, en cette question, la trace de Thomas Bradwardine, il nous paraît avoir reçu de son propre génie une plus heureuse impulsion lorsqu’il a défini la velocitas circuitionis que nous nommerions aujourd hui la vitesse angulaire : « La vitesse de rotation (velocitas circuitionis), » dit-il, « se mesure par l’angle décrit autour du centre ou de l’axe de cette rotation, cet angle étant comparé au temps [employé à le décrire] ; en sorte que, si deux mobiles tournent autour du même axe, et, en un temps égal, décrivent des angles égaux, on dira qu’ils circulent également [vite] autour de cet axe ; et si les angles décrits sont inégaux, qu’ils circulent inégalement vite. Cette conclusion résulte évidemment de la manière de parler communément employée par les astrologues. Il est à savoir qu’une telle vitesse de rotation, à proprement parler, ne saurait être comparée ni à la vitesse du mouvement rectiligne ni à la vitesse du mouvement circulaire, car un angle[1] et une ligne ne sont pas comparables entre eux. »

Assurément, comme Maître Albert de Saxe en fait ici la remarque, la notion de vitesse angulaire fut, de tout temps, impliquée dans le langage que les astronomes avaient accoutumé d’employer ; encore est-il juste d’attribuer quelque mérite à celui qui l’a, le premier, formellement définie.

Nous laisserons, pour le moment, ce que le Maître parisien dit du mouvement d’augmentation et du mouvement d’altération ; la suite de cette étude nous amènera à y revenir.

L’analyse du Tractatus proportionum nous a montré comment Albert de Saxe s’était attaché à l’étude de la vitesse en un corps

  1. Le texte que nous avons sous les yeux est celui qui a pour colophon : Magistri Alberti de Saxonia proportionum libellus finit feliciter qui Venexie summa cum diligentia fuit impressus per magistrum Andream catharensem Die XXI Iulii MCCCCXXXLVII (sic). En cet endroit, par une erreur évidente, il porte argus au lieu d’angulus.