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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

même que ce terme : volume, représente un corps dont il désigne, en même temps, l’étendue, de même le terme : point, représente un corps, mais sans en désigner, en même temps, l’étendue ; il représente un corps en tant que nous le concevons sous la notion de terme d’une distance ou d’un volume. De cette manière, n importe quelle chose de ce monde peut être appelée point ; c’est de la sorte qu’un astronome, lorsqu’il veut mesurer la distance de deux étoiles, appelle point chacune de ces deux étoiles.

» La seconde opinion est contraire à la précédente ; elle admet qu’en tout continu, il y a des parties indivisibles telles que des points…

» Prouvons cette dernière thèse… »

Et Marsile établit les conclusions suivantes :

« Il existe un point de matière première, un point de forme substantielle, un point de qualité, un point composé de matière et de forme. On le prouve : En vertu de la conclusion précédemment établie, il existe un certain point ; ce point est donc ou point de grandeur ou point de matière ou point de forme et ainsi de suite ; or, quelle que soit l’alternative que l’on accorde, toutes les autres en résultent ; en effet, s’il existe un point de matière, il faut qu’il existe un point de forme qui est la forme informant cette matière ; et s’il y a un point de forme, il en résulte qu’il y a un point de qualité, car on ne saurait donner une forme substantielle qui ne fût naturellement accompagnée de qualités. De même, s’il y a un point de grandeur, il y a un point de matière qui correspond à ce point de grandeur ; la grandeur, en effet, ne peut être séparée de la matière, ni, partant, le point de grandeur. Ainsi, quelle que soit l’alternative que l’on donne, tout le reste en résulte…

» Il existe des lignes indivisibles en largeur et en épaisseur…

» Il existe des surfaces douées de longueur et de largeur indivisibles en épaisseur…

» De même qu’il existe un point composé de matière et de forme, de même il existe une ligne composée de matière et de forme, et aussi une surface. »

Après avoir pensé, comme son maître Buridan que les indivisibles du géomètre, les points, les lignes et les surfaces sont de pures fictions, Marsile d’Inghen en arrive à les considérer comme des substances complètes, douées de matière, de forme et de qualités. Ni Duns Scot, ni même Walter Burley n’avaient professé un réalisme géométrique aussi radical.