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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

Bradwardine, en ce difficile sujet, se retrouvent trop souvent, à peine atténuées, chez ses successeurs.

Bradwardine commence en ces termes[1] le quatrième chapitre de son Traité des proportions : « Après avoir déterminé d’une manière générale quel rapport ont entre elles les vitesses de divers mouvements lorsqu’on y compare les puissances motrices et les résistances, nous allons, en ce qui suit, démontrer quelques propositions spéciales touchant les rapports qu’ont entre elles les vitesses des mouvements circulaires lorsqu’on tient compte de la grandeur du corps mû et de la grandeur de l’espace parcouru. » C’est de la Cinématique du mouvement de rotation uniforme qu’il va être question en ce chapitre.

L’auteur commence par passer en revue et par réfuter les opinions qui lui semblent, inadmissibles. C’est parmi celles-là qu’il range, non sans quelque hésitation, l’opinion soutenue au traité De proportionalitate ; selon cette opinion, remarque Bradwardine[2], « toute portion de rayon non déterminée au centre, et même le rayon tout entier, se meuvent également vite avec leur point milieu. »

À cette doctrine, le Mathématicien d’Oxford en substitue une autre qu’il formule en ces termes : « La vitesse du mouvement local [en un corps qu’anime un mouvement de rotation uniforme] est mesurée par la vitesse du point qui, en ce corps mû de mouvement local, se meut le plus rapidement. — Ideo videtur rationaliter magis dici quod velocitas motus localis attenditur pertes velocitatem puncti velocissime moti in corpore moto localiter. »

Cette manière de définir la vitesse en un mouvement de rotation paraît bien singulière, et moins satisfaisante, assurément, que celle même dont le De proportionalitate motuum et magnitudinum tentait la justification. Elle n’en eut pas moins la vogue la plus grande, et la Scolastique ne se lassa pas, durant deux siècles, de la proposer en son enseignement. Elle y demeura comme un témoin de la profonde influence exercée par le traité que Bradwardine concluait en cette ingénieuse invocation[3] :

« Perfectum est igitur opus de proportione velocitatum in motibus, cum illius Motoris auxilio a quo motus cuncti procedunt ; cujus ad summum mobile proportio nulla reperitur ; cui sit honor et gloria quamdiu fuerit ullus motus. Amen. »

  1. Ms. cit., fol. 56, col. b. — Ce chapitre manque en l’édition, imprimée à Vienne en 1515, dont nous avons précédemment donné te titre.
  2. Ms, cit., fol. 56. col, d.
  3. Ms. cit,, fol. 58, col. a.