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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

Sous les artifices du raisonnement, c’est bien là l’idée maîtresse que nous parvenons à découvrir.

Le petit traité que nous venons d’analyser sommairement semble avoir initié le Moyen Âge aux considérations de Cinématique. À quel temps devons-nous rattacher cet écrit dont l’auteur nous est inconnu ? Faut-il croire qu’il a été rédigé par quelque géomètre du Moyen Âge, par exemple par quelque disciple de Jordanus de Nemore, comme tel autre traité contenu au même recueil manuscrit ? Faut-il le regarder comme une relique de l’Antiquité ? À ces questions, il paraît impossible de répondre d’une manière catégorique. Tout ce que nous pouvons observer, c’est que les lettres par lesquelles les divers points des figures sont désignés ne se succèdent pas dans l’ordre caractéristique de 1’alphabet grec, comme il arrive presque toujours aux traités d’origine hellénique ; c’est aussi qu’aucun mot de forme grecque ou arabe ne se trouve dans le latin en lequel cet opuscule est rédigé.

Au xive siècle, Thomas Bradwardine, en un écrit dont nous parlerons au paragraphe suivant, cite le traité dont nous venons de présenter une courte analyse ; il lui donne ce titre ; De proportionalitate motuum et magnitudinum ; mais il ne connaît pas ou, du moins, ne nous fait pas connaître le nom de celui qui l’a composé ; il se borne, en effet, à le désigner de la manière suivante[1] :

« Auctor vero de proportionalitate motuum et magnitudinum subtiliorem istis intellectum ponit, quod linearum rectarum æqualium, temporibus æquaiibus quibuslibet motarum, quæ pertransit majus spatium et ad majores terminos moveri velocius ; et quæ minus et ad minores terminos, tardius ; et quæ æquale et ad æquales terminos æqualiter moveri supponit ; et intelligit per terminos majores terminos ad quos a terminis a quibus magis distantes. »

On peut remarquer que Bradwardine, à qui nous devons cette allusion si reconnaissable au traité anonyme De proportionalitate motuum et magnitudinum, cite également, et dans le même ouvrage, le De ponderibus de Jordanus de Nemore ; ces deux écrits semblent, nous l’avons dit, présenter quelques analogies de forme, comme s’ils provenaient d’une même école.

Le livre De sex inconvenientibus est un ouvrage anonyme qui fut composé à Oxford, probablement vers la fin du xive siècle ; cet

  1. Bradewardyn proporciones ; 2a pars quarti capituli. Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 6.559, fol. 56, col. d.