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LA LATITUDE DES FORMES AVANT ORESME

Il est clair que, par cette dernière conclusion, Ockam entend refuser le nom de vitesse à la vitesse angulaire.

Mais aussitôt surgit une difficulté.

Dans un corps animé d’un mouvement de translation, toutes les parties du corps décrivent, en un même temps, des chemins égaux ; elles ont toutes la même vitesse qu’on peut appeler la vitesse du corps.

Mais il n’en est plus de même pour un corps animé d’un mouvement autre qu’un mouvement de translation, par exemple pour un corps qui se meut d’une rotation uniforme. Les divers points ont, si l’on prend le mot vitesse comme le veut Ockam, des vitesses différentes. Qu’entendra-t-on, dans ce cas, par vitesse du corps considéré dans son ensemble ? Que sera-ce que la vitesse de l’orbe de la Lune ?

Aujourd’hui où les principes défendus par Ockam au sujet de la définition de la vitesse sont entrés dans l’usage courant, nous renonçons purement et simplement à parler de la vitesse d’un corps toutes les fois que ce corps n’est pas animé d’un simple mouvement de translation. Mais au Moven Âge, les géomètres ne se résignaient pas à prendre parti ; ils s’acharnaient à rechercher ce qu’il faut entendre par vitesse d’un corps dont les diverses parties se meuvent différemment, par vitesse d’un corps animé d’un mouvement de rotation ; cette recherche a suscité des discussions nombreuses et prolongées.

Que faut-il donc appeler vitesse d’un corps dont toutes les parties ne se meuvent pas de même et, spécialement, d’un corps qui se meut d’un mouvement de rotation uniforme ?

Répondre à cette question est l’objet d’une pièce anonvme que l’imprimerie, croyons-nous, n’a jamais reproduite, et qui se trouve en un manuscrit de la fin du xiiie siècle conservé à la Bibliothèque Nationale[1]. Cette pièce semble devoir être placée à l’origine de tout le mouvement intellectuel que nous nous proposons d’étudier.

Ce court traite débute, à la manière Euclidienne, par l’énoncé de sept postulats que nous allons reproduire en leur texte latin.

Quæ magis removentur a centro, magis moventur, et quæ minus, minus.

Quando linea æqualiter, et uniformiter, et æquidistanter move-

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 8680 A. La pièce en question commence au bas du fol. 6, ro, par ces mots : Que magis renoventur [lisez ; removentur] a centro magis moventur et que minus minus. Elle finit en bas du fol. 7, ro, par ces mots : Residuum igitur quod est. g. f. equale est duplo. c. d, et linee. o. b. In tantum erit. h. a.