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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Ces deux soucis se marquent dans une des Questions sur le livre des Physiques que nous devons au Venerabilis Inceptor[1].

Cette question est intitulée : Un mouvement est-il plus vite qu’un autre ?

Pour donner un sens à ces mots : Un premier mobile se meut plus vite qu’un second mobile, Ockam propose deux solutions.

Les deux mobiles doivent coexister à un mouvement uniforme et régulier, c’est-à-dire à une horloge qui marquera le temps. Alors si, sur son chemin, le premier mobile parcourt, dans un même temps, plus de parties que le second, ces parties étant de même longueur, le premier mobile est plus vite que le second. Ou bien encore, il est plus vite que le second si, pour coexister à un même nombre de parties de même longueur, il met moins de temps.

Ockam insiste sur ce point : Les parties prises sur les chemins parcourus par les deux mobiles afin d’en comparer les vitesses doivent être égales entre elles, et non pas dans un rapport constant, « ejusdem quantitatis, non proportionis. »

« De ce qui vient d’être dit, poursuit-il, découlent quelques conclusions.

» La première, c’est que la vitesse et la lenteur n’impliquent (iniportant) pas quelque accident absolument distinct du mouvement ; ce qu’elles impliquent, c’est ce qu’implique aussi le mouvement ; mais elles connotent la coexistence du mobile, dans un même temps ou dans un temps moindre, avec plus ou moins de parties de même longueur…

» La seconde conclusion, c’est qu’un mouvement, tout en demeurant le même, peut être plus lent et plus rapide… mais à des époques différentes…

» La troisième conclusion, c’est celle-ci : La vitesse et la lenteur dans le mouvement doivent être définies en fonctions de parties d’égale longueur et non pas en parties de rapport constant (habent attendi penes partes ejusdem quantitatis, non proportionis). »

En voici la raison : Toute longueur étant divisible à l’infini, si lent que soit le second mobile par rapport au premier, dans le temps où le premier parcourt un certain nombre de parties de chemin, le second parcourra autant de parties qu’on voudra qui aient toutes le même rapport aux premières parties.

  1. Questiones magistri Guglelmi de Okam super librum phisicorun ; quæst. XXX : Utrum unus motus sit velocior alio (Bibliothèque Nationale, fonds latin, nouv. acq., ms. no 1139, fol. 7, col. b).