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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Quant à Marsile d’inghen, sa conviction, ainsi qu’il arrive pour plusieurs questions relatives à i’iulini, a subi avec le temps de profonds changements.

En ses Abbreviationes libri Physicorum, qui semblent être une œuvre de jeunesse, il reproduit[1], en les abrégeant quelque peu, toutes les considérations que Buridan avait développées.

Il en est tout autrement en ses Quæstiones qui, sans doute, furent rédigées de longues années plus tard.

« Dans un continu, y a-t-il des choses indivisibles, telles que le point ? » Au sujet de cette question[2], Marsile s’exprime en ces termes :

« Il y a, sur cette question, deux opinions opposées.

» La première admet qu’en une grandeur continue, il n’existe aucune chose indivisible ; bien plus ! elle admet qu’aucune chose du monde n’est indivisible, sauf les intelligences, les substances séparées et les actes intellectuels…

» Il faut remarquer que les tenants de cette opinion se séparent les uns des autres lorsqu’il s’agit de sauver les propos des mathématiciens et d’Aristote, car ceux-ci admettent l’existence des points.

» Les uns disent que toutes ces propositions : Le point existe, la ligne existe, la longueur existe, etc., sont fausses ; car en toutes ces propositions, il est un terme qui ne signifie rien. Ils disent donc que les propositions mathématiques et aussi quelques propositions formulées par Aristote en ce sixième livre de la Physique ne doivent être entendues que d’une manière conditionnelle.

» D’autres disent qu’il n’est pas nécessaire que cette proposition soit vraie : Le point existe ; mais, pour l’objet auquel tend le mathématicien, il suffit que l’on puisse imaginer que le point existe ; le Commentateur dit, en effet, au IIP livre de la Métaphysique, que les propositions mathématiques prennent place dans le chapitre des propositions imaginables.

» D’autres, pour sauver les propos des mathématiciens, supposent que ce terme : point, est un terme purement négatif. De

  1. Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri physicorum edite a prestantissinio philosopho Marsilio inguen doctore pariensi. S. I. a. typ. nom. (Pavia, Antonius de Carcano, ci rca 1490). Lib. VI, fol, sign. g. 4, col. d, et les trois fol. suivants.
  2. Johannis Marcilii Inguen Quæstiones super octo libros Physicorum ; lib. VI, quæst. III.