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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

capable de ramener périodiquement les mêmes substances, les mêmes mouvements, le même temps ?

« À ce sujet[1], une opinion hérétique a eu cours, qu’on attribue à Platon et que saint Augustin expose dans la Cité de Dieu. Cette opinion est la suivante : Lorsque toutes les causes, toutes les dispositions des corps célestes redeviendront les mêmes, on verra revenir tous les individus sujets à la génération et à la corruption, et ces individus seront numériquement les mêmes que ceux qui ont autrefois existé ; en effet, lorsque les mêmes causes reviendront, les mêmes effets reviendront aussi. Cette opinion-là est formellement contraire à la foi…

» La seconde opinion est celle des Catholiques ; elle affirme que nulle forme ne saurait revenir, par la vertu d’un agent naturel, numériquement identique à ce qu’elle a été. Il semble que ç’ait été aussi le sentiment du Philosophe…

» La troisième opinion est celle de Scot. Au gré de cette opinion, peut revenir naturellement, identique numériquement à ce qu’elle a été, toute forme dont tous les principes, toutes les dispositions nécessaires — telle la lumière du Soleil et de la Lune — peuvent demeurer les mêmes, d’une identité numérique ; d’une telle forme, en effet, les causes sont incorruptibles. Mais il est d’autres formes dont les causes sont corruptibles ; celles-ci ne peuvent, par la voie de nature, revenir numériquement identiques à ce qu’elles étaient.

» De la première proposition, la raison est évidente ; un effet, dont l’existence dépend de sa cause, peut revenir le même, si la même cause est restaurée. Et la seconde proposition peut être prouvée par la raison opposée. »

François de la Marche altère ici la doctrine de Duns Scot ; le Docteur Subtil, fidèle en ce point à l’enseignement de Richard de Middleton, avait formellement déclaré que, pour reproduire un effet qui fût numériquement le même, il suffisait d’un agent qui fût spécifiquement le même ; l’opinion qui vient de nous être exposée n’est pas celle de Scot ; c’est celle de François de Mayronnes.

De cette opinion, voici ce que pense François de la Marche[2] :

« Cette opinion-là semble se rapprocher quelque peu de la première ; aussi veux-je tenir pour la conclusion de la seconde

  1. Francisci de Marchia Op. laud., lib. IV, dist. XLIII, quæst. I : Circa distinctionem 43 quero utrum forma corrupta possit naturaliter redire eadem in numero vel virtute naturalis agentis. Ms. cit., fol. 163, col. c, et fol. 164, coll. a et b.
  2. François de la Marche, loc. cit. ; ms. cit., fol. 164, Coll. a et b.