Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
457
LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

conçu, entre le temps passé et lui-même ; cet ordre qu’exprime le mot : passé, et qui consiste en ceci, que ce temps n’existe plus ; et cela, parce qu’il posséderait l’existence, et non plus la non-existence.

» Mais il n’est question ici que de ce rapport purement conçu ; tout cela ne concerne aucune réalité extérieure à l’intelligence. En effet, le passé, le présent, le futur, considérés d’une manière formelle, n’appartiennent pas à la catégorie de la quantité, mais à la catégorie de la relation ; ils expriment formellement une relation de raison. »

Résumons cet enseignement de François de la Marche, qui est, en même temps, celui de Guillaume d’Ockam et de Nicolas Bonet.

Si je dis : la journée d’hier, j’exprime deux choses.

J’exprime, d’abord, des réalités extérieures à mon intelligence : La révolution du premier mobile qui a mesuré cette journée, toutes les substances, tous les mouvements, tous les changements qui ont coexisté à cette révolution.

J’exprime, en second lieu, un jugement de ma raison, l’affirmation que toutes ces choses ont été et ne sont plus ; c’est cette affirmation que résume le qualificatif : passée appliqué à la journée d’hier.

Toutes les réalités, extérieures à mon intelligence, qui ont composé la journée d’hier pourront revenir, toutes ensemble, numériquement identiques à celles qui ont existé hier ; c’est en ce sens qu’on peut formuler cette proposition : Il y aura, dans l’avenir, une journée numériquement identique à la journée d’hier.

Mais lorsque toutes ces réalités reviendront, on ne pourra pas dire : À présent, elles ne sont plus. On devra dire d’elles : À présent, elles sont. Le jugement, l’opération de raison que désignait le mot : passées appliqué à ces réalités ne reviendra pas lorsque ces réalités reviendront. On ne pourra donc pas dire que le passé revient.

Telle est l’analyse, assurément bien pénétrante, par laquelle le Venerabilis inceptor Academiæ nominalium et ses disciples tentaient de rendre concevable l’hypothèse d’un temps qui se fermerait sur lui-même et reprendrait indéfiniment le même cycle. Partisans unanimes de cette doctrine, les Néo-platoniciens hellènes ne l’avaient jamais creusée si avant.

Dieu peut donc rétablir dans son unité numérique soit une substance détruite, soit un mouvement achevé, soit un temps écoulé, car aucune de ces opérations n’implique contradiction. En résulte-t-il que la nature les puisse accomplir ? Peut-on la croire