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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

le même peut être, à plusieurs reprises, approché d’un patient qui reste, lui aussi, numériquement le même ; ces applications successives produiront un seul et même effet, une seule et même altération. Pas plus ici que dans le cas du mouvement local, l’identité numérique du temps n’est requise pour l’identité numérique de l’effet. « Ainsi, que le temps soit le même ou qu’il soit autre, l’agent peut produire un effet qui soit numériquement unique. »

Notre auteur ajoute prudemment : « Je ne dis pas que ces raisons concluent d’une manière nécessaire ; mais elles l’emportent en probabilité, sur les raisons favorables au parti contraire. » Il sait, en effet, qu’on lui peut faire des objections ; il en énumère trois dont voici la dernière :

« Par cette voie, la résurrection serait chose naturelle, car, en vertu de l’opinion qu’on tient pour possible, un agent qui est numériquement le même peut dans une matière qui est numériquement la même, produire une forme numériquement la même. — 3o quod, per istam viam, resurrectio esset naturalis, quia idem agens numero potest in eadem materia numero producere eamdem formam numero, per casum possibilem positum. »

Les Quæstiones ne résolvent pas cette objection ; elles se contentent de nous dire que « la réponse en a été donnée dans la neuvième question du second Quolibet. Cherchez à cet endroit ».

Si nous suivons ce conseil, voici ce que nous trouverons[1].

Ockam examine cette difficulté : Dans un mouvement d’accroissement, l’agent produit l’un après l’autre dans le patient les divers degrés d’une certaine forme ; cependant, l’agent est également apte à produire chacun de ces degrés et le patient également apte à les recevoir ; d’où vient donc que tel degré est introduit d’abord et tel autre ensuite ? De cette difficulté, le Venerabilis inceptor propose deux solutions, l’une fondée sur des considérations de Théologie, l’autre sur des raisons de Physique.

« Je dis d’abord théologiquement que, dans le mouvement d’augmentation, cette détermination à recevoir une partie de la forme avant une autre vient de Dieu qui concourt librement à produire d’abord un certain degré, puis un autre…

» Je réponds aussi d’une autre façon, c’est-à-dire physiquement, que, dans le mouvement d’augmentation, cette détermination à recevoir un degré avant un autre, provient, comme il

  1. Quodbeta septim venerabilis inceptoris fratris Guilhelmi de Ocham, quodlib. II, quæst. IX.