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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

grandeur qui reste numériquement la même peut être acquise à plusieurs reprises par un mobile qui est numériquement le même, et lui être appliquée ; un mouvement local, tout en restant numériquement le même, petit donc revenir plusieurs fois.

» À cela on objectera que le mouvement ne peut être le même si le temps n’est le même ; or, par voie naturelle, un temps ne peut revenir tout en étant numériquement le même temps.

» Je réponds que l’unité du temps est requise pour l’unité du mouvement si ce mouvement se fait sur des espaces différents ; si un mobile se meut sur un certain espace, puis s’arrête, et se meut ensuite sur un autre espace, il faut que ces mouvements soient numériquement différents… Mais pour qu’un mouvement soit numériquement un, ce temps n’a pas besoin d’être un si le mobile se meut sur un certain espace, s’arrête, et se meut de nouveau sur le même espace. »

De ces affirmations, une conséquence se tire avec évidence ; les révolutions successives du premier mobile ne sont qu’une seule et même révolution. Mais alors, comment distinguer les jours les uns des autres ? Comment parler d’un premier, d’un second, d’un troisième jour ? Tous les jours ne vont-ils pas former un seul et même jour ?

« Je réponds que ce ne sera pas toujours le même jour… Le premier jour, en effet, implique (importat) que les parties du mobile coexistent aux parties de la grandeur sur laquelle se fait le mouvement, mais qu’elles ne leur ont pas coexisté auparavant. Le second jour implique que ces parties coexistent et, en outre, pas toujours le même jour, car ce qu’implique (importat) un jour n’est pas ce qu’implique un autre jour. »

Cette pensée d’Ockam est bien celle dont Bonet s’est inspiré.

Mais ce que Bonet ne fait pas et qu’Ockam avait fait, c’est de marquer explicitement le lien qu’a cette pensée avec la doctrine de la Grande Année.

En effet, la question dont nous venons de résumer la solution était précédée de cette autre[1] : « La nature peut-elle ramener une altération de telle façon qu’elle soit numériquement la même ? »

Oui, répond Ockam, car un agent qui demeure numériquement

  1. Guglelmi de Okam Op. laud., quæst. XXXI : Utrum eadem alteratio numero per naturam potest redire, Ms. cit., fol. 7, coll. b et c.