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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

existaient à ce moment-là reviendront au bout de trente-six mille ans, et qu’ils seront numériquement les mêmes…

» Ils prétendent donc qu’alors les corps se reformeront par voie naturelle. Cette opinion implique la conséquence que voici : De même que les hommes sont engendrés l’un après l’autre, ils ressusciteront l’un après l’autre. »

À l’égard de cette doctrine, quelle va être l’attitude du théologien de Middleton ?

Il se refusera formellement à concéder au retour d’une même configuration du Ciel le pouvoir de ressusciter les corps humains, et cela parce que les influences astrales ne suffisent pas à former le corps d’un homme. « Ils ont erré d’une façon honteuse, ceux qui ont dit : Les corps humains peuvent être naturellement tirés de la Terre par la seule influence des corps célestes. » En tenant ce langage, d’ailleurs, il faisait écho à la sentence toute récente d’Étienne Tempier ; celui-ci avait, en effet, condamné cette erreur[1] : « Quod si in aliquo humore, virtute stellarum, deveniretur ad talem proportionem, cujusmodi proportio est in seminibus parentum, ex illo humore posset generari homo ; et sic homo posset sufficienter generari ex putrefactione. »

Mais une fois ces réserves faites touchant la restauration d’un être humain par voie naturelle, Richard de Middleton ne fera plus de difficulté pour admettre, en ce qui concerne les autres êtres, au moins la possibilité de la Grande Année.

« Il n’en est pas de même, dit-il, de la reproduction d’un corps humain avec son identité numérique, et de la reproduction d’une masse de terre avec son identité numérique. Le corps humain, en effet, ne peut être produit naturellement [sans parents…]. Mais pour les autres êtres, cette objection ne tient plus… Si l’on enfermait une certaine masse de terre dans un vase, si on la changeait en eau, puis si cette eau était, de nouveau, changée en terre, on ne voit pas pourquoi cette terre ne serait pas numériquement la même que la première. Je ne sais s’il est vraiment possible de faire à cela quelque objection.

» Considérons, d’ailleurs, la partie de matière au moyen de laquelle est engendrée, à présent, par un agent naturel, une certaine masse de feu ; si le même agent naturel avait été appliqué plus tôt à la même partie de la matière, il eût engendré une masse de feu qui eût été numériquement la même que la masse maintenant produite. Dès lors, d’une façon semblable, après que cette

  1. La 188e du décret de 1277, la 82e de la liste classée par le R. P. Mandonnet.