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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

corps, il s’attache à montrer[1] comment les propositions de la première Géométrie se doivent interpréter en la seconde :

« De tout point à tout point, on peut mener une ligne droite ; cela signifie qu’entre deux corps quelconques distants l’un de l’autre, il y a une dimension corporelle droite.

» On accordera également qu’en une ligne, il y a une infinité de points, parce qu’en une ligne, il y a une infinité de parties dont chacune a une première partie et une dernière partie.

 

» Mais commenl exposera-t-on les définitions du cercle et de la sphère : Figures au milieu desquelles est un point tel que toutes les lignes menées de ce point à la périphérie soient égales entre elles ? Cela est facile à due selon l’imagination fictive des points et des lignes. Mais, selon la vérité, dans le cercle comme dans la sphère, il y a une partie qui se trouve au milieu et que l’on nomme centre, et, tout autour, une partie extrême que l’on nomme périphérie ; cette partie qui se trouve au milieu est dite terme de tous les rayons ; cette partie centrale n’est pas purement et simplement indivisible, mais on la dit indivisible parce qu’elle n’est pas divisible en plusieurs parties dont chacune soit le terme de tous les rayons du cercle ou de la sphère ; on la dit aussi indivisible parce que cette partie centrale ou ce terme est une partie infiniment petite ; on l’appelle point, parce que cette partie est le terme d’une ligne ou de toutes les lignes radiales.

» C’est pourquoi nous disons que la Terre est le centre naturel de la sphère du Monde ; ou bien encore on appelle centre du Monde une partie infiniment petite située au milieu de la Terre et équidistante de la périphérie du Monde. »

Cette coexistence des deux Géométries, la Géométrie fictive et la Géométrie vraie, Buridan y songe sans cesse et ne perd aucune occasion de la rappeler à son lecteur. En sa Métaphysique, par exemple, il a à rappeler ce que les astronomes appellent sphère concentrique au Monde ; à ce propos, il écrit[2] : « Il faut savoir que, dans le Monde, le centre naturel, c’est la Terre elle-même ; ce n’est que par imagination que l’on pose un centre indivisible ; imaginons cependant, à titre de centre du Monde, un point qui se trouve au milieu de la Terre… »

 
  1. Joannis Biridani Quæstiones super octo Physicorum libros Aristotelis ; lib. VI, quæst. IV, fol. XCVIII, col, a.
  2. Joannis Biridani Quæstiones in Metaphysicam Aristotelis ; lib. XII, quæst. X, fol. LXXIII, col, b.