théorie, soit qu’il ait connu les écrits de Bonet, soit que ses propres méditations lui aient dévoilé des pensées analogues à celles du docteur franciscain ; nous voulons parler du dominicain Grazadei d’Ascoli.
N’y a-t-il pas autant de temps distincts qu’il y a de mouvements distincts ? Grazadei, dans ses Qaæstiones disputatæ, avait proposé[1] une solution de ce problème ; il l’a reprise, d’une manière plus claire et plus détaillée, dans ses Quæstiones litterales[2] ; aussi est-ce à ces dernières que nous l’empruntons.
« Bien que le temps soit la mesure de tout mouvement, écrit Grazadei, et qu’il y ait, à la fois, une multitude de mouvements, il n’existe, cependant, qu’un temps numériquement unique, et non point des temps multiples ; il en est ainsi parce que le premier mouvement est unique et que le temps concerne premièrement et proprement ce mouvement-là.
» Cela semble fort bien dit dans les circonstances présentes ; cette réponse, cependant, souffre une grande difficulté.
» La diversité entre l’accident et le sujet n’entraîne aucune multiplicité pour l’existence ; mais les existences se trouvent multipliées en raison de la multiplicité des sujets auxquels elles sont immédiatement et proprement appliquées ; Socrate a son existence propre et Platon la sienne ; l’existence est donc multiple par suite de leur multiplicité.
» De même, la diversité qu’il y a entre le premier mouvement et les autres mouvements peut bien ne pas entraîner la multiplicité du temps ; mais, semble-t-il, il y aurait nécessairement des temps multiples s’il y avait, simultanément, plusieurs premiers mobiles et plusieurs premiers mouvements,
» Pour acquérir une claire intelligence de cette difficulté, voici ce qu’il faut considérer :
» Soit une chose qui résulte d’une autre, mais qui n’en reçoit pas son existence complète ; cette chose-là tient seulement de celle-ci le fondement qui attend un complément, et ce complément, elle le reçoit de notre âme. Parfois, alors nous voyons que
- ↑ Questiones fratris Gratiadei de Esculo… per ipsum in florentissimo studio patavino disputate… Quæst. XII, ad cujus intelligentiam… : éd. Venetiis, 1503, fol. 122, coll. a et b.
- ↑ Preclarissime Questiones litterales edite a fratre Gratiadei Esculano… super libros Aristo. de physico auditu… Lib. IV, lect. XXII, quæst. III ; éd. cit., fol. 57, coll. c et d.