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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS


XV
Le temps selon Nicolas Bonet — Temps physique
et temps mathématique.


Quelque opinion qu’on ait formée au sujet de la structure atomique attribuée par Bonet au mouvement réel et au temps réel, cette opinion ne doit aucunement dicter celle qu’on professera touchant la théorie de l’horloge absolue proposée par notre franciscain ; cette théorie, en effet, est entièrement indépendante de l’Atomisme ; il serait facile de rejeter celui-ci tout en gardant celle-là.

Le problème de l’horloge absolue est fort analogue au problème du terme absolument fixe. Qu’est-ce que le corps absolument fixe auquel sont rapportés tous les mouvements locaux ? Quel est le mouvement particulier qui doit servir à marquer le temps pour tous les autres mouvements ? Les deux questions sont très semblables ; elles sont inséparablement liées l’une à l’autre ; elles se posent, toutes deux, dès l’entrée de la Science du mouvement. On peut s’attendre, semble-t-il, à ce qu’elles reçoivent des réponses analogues.

Cette analogie entre la théorie du mouvement absolu et la théorie du temps absolu, nous ne l’avons pas rencontrée en lisant les écrits d’Ockam et de ses successeurs,

Ockam et ceux qui ont suivi son exemple ont admis que le corps absolument fixe auquel tous les mouvements locaux sont rapportés n’a pas besoin d’être un corps concret, réalisé hors de notre esprit ; c’est un corps abstrait, un pur concept. Mais ces philosophes n’ont pas osé transporter cette doctrine à la théorie du temps ; ils n’ont pas osé déclarer que le mouvement destiné à marquer le temps pour tous les autres mouvements est, lui, aussi un pur concept, que rien ne le réalise dans la nature, que l’horloge absolue est une horloge abstraite, qu’elle existe seulement dans notre esprit. Ils ont voulu qu’il existât, hors de notre esprit, un mouvement parfaitement uniforme capable de marquer le temps à tous les autres mouvements, et que nous eussions un moyen de le reconnaître. Dans la voie où les avait engagés la théorie du lieu, ils se sont arrêtés à mi-chemin.

Ockam est allé plus loin qu’à mi-chemin ; à peine faut-il presser