Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

mobile sera les de la longueur parcourue par le plus lent. Divisons les longueurs sur lesquelles se meuvent ces deux mobiles, l’un plus vite et l’autre plus lent, et divisons-les en indivisibles ; si la longueur parcourue par le mobile le plus vite est divisée en trois indivisibles A, B, C, la longueur parcourue par le plus lent sera divisée seulement en deux indivisibles O et I, puisque ces deux longueurs sont dans le rapport Le temps pendant lequel le mobile le plus vite parcourt trois atomes de longueur sera divisé en trois atomes de temps, car la longueur et le temps sont subdivisés de la même façon ; soient a, b, c ces trois atomes de temps. Mais si le mobile vite parcourt trois atomes de longueur en trois atomes de temps, il faut nécessairement que le mobile lent parcoure deux atomes de longueur en ces trois atomes de temps, et qu’il parcoure un atome de longueur en la moitié de ce temps. Or un temps composé de trois atomes ne peut être partagé en deux moitiés, à moins qu’un atome ne se laisse diviser en deux parties égales. Réunissons cette dernière proposition à la première : Si tout continu était composé d’indivisibles, l’indivisible lui-même se laisserait diviser, ce qui est contradictoire. »

Nicolas Bonet a entendu formuler cette objection ; il la rappelle sommairement[1] ; il n’en méconnaît pas la gravité. « C’est un doute, dit-il, dont la solution est fort difficile. » On ne peut nier, en effet, que la roue du potier ne tourne plus lentement que le premier mobile. Bonet tente plusieurs réponses qui reviennent presque toutes à accorder ce que demandait Jean le Chanoine : une certaine divisibilité de l’élément de temps relatif au plus lent mouvement. De la difficulté à laquelle il se trouve acculé, notre auteur paraît désespérer de triompher. « Vous allez m’objecter qu’à parler ainsi, je suis contraint d’admettre que l’élément de mouvement de la roue du potier est mesuré par un temps », puisqu’il est mesuré par plusieurs indivibles du mouvement du premier mobile, auxquels correspondent plusieurs temps indivisibles. « Je vous réponds : Cherchez la solution. Solutionem quære. »

Nicolas Bonet n’a point coutume de s’effrayer des opinions les plus aventureuses ; il semble même que son esprit, ami du paradoxe, les recherche et s’y complaise, dût sa raison s’avouer, avec franchise, incapable de résoudre les objections auxquelles elle se heurte. Après donc qu’il a affirmé la distinction radicale qu’il

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. IV, cap. XI ; ms. no 6.678, fol. 143, vo et fol. 144, ro ; ms. {n°|16.132}}, fol. 112, coll. b et c.