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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

théorie physique ; nous allons les retrouver tout à l’heure ; d’autres sont purement physiques ; elles découlent de ce qui a été dit en dernier lieu ; indiquons quelles elles sont[1].

« On dit que le point est indivisible parce qu’on le nomme point en tant qu’il est terme d’une ligne ; or tout terme de ligne est dit indivisible non pas en prenant simplement ce mot au pied de la lettre, mais indivisible en tant qu’il n’est pas divisible en parties dont chacune soit, encore terme de cette même ligne.

» D’une autre manière encore, le point est dit indivisible pour cette raison qu’il est appelé première partie ou dernière partie. Si on le nomme, en effet, première partie ou dernière partie, c’est afin de le distinguer ou de le compter parmi les autres parties comme étant une certaine partie ; et si on dit qu’elle est une, c’est en vertu d’un certain rôle d’indivision…

» Au sujet de cette manière, il y a lieu de remarquer que le point est infiniment petit (in infinitum parfum) parce qu’indéfiniment il y a un terme, une première partie ou une dernière partie d’un continu. Si, par exemple, on nomme première partie de la ligne B un tiers de cette ligne, on nommera de même première partie un dixième de cette ligne, ce qui est moindre qu’un tiers ; et on nommera encore première partie de cette ligne un centième, qui est encore moindre, et un millième, qui est encore beaucoup plus petit, et ainsi de suite à l’infini ; en sorte que quelque petite que soit la partie donnée, il y a une première partie qui est encore plus petite (ideo quantumcunque parva parte data, adhuc minor est prima pars.) »

Pour entendre de nouveau définir l’infiniment petit avec cette précision, il faudra venir jusqu’au xixe siècle ; et nos algébristes les plus soucieux de rigueur n’ont pas, de ces mots, une autre définition que celle dont usait Buridan.

Jusqu’ici, nous avons entendu Buridan tenir un langage capable d’étonner un géomètre ; en ce langage, en effet, le géomètre ne reconnaissait pas les points indivisibles, les lignes sans largeur, les surfaces sans épaisseur qu’il a accoutumé de considérer ; Buridan va montrer quelle est, à son avis, la signification qu’il faut attribuer à ces divers indivisibles dont traite la Géométrie.

À la question : Pourquoi dit-on que le point est indivisible ? il a formulé plusieurs réponses ; en premier lieu, avant celles que nous avons reproduites, venait celle-ci[2] :

  1. Jean Buridan, loc. cit., fol. XCVII, col. c.
  2. Jean Buridan, loc. cit., fol. XCVII, coll. b et c.