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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

de la manière suivant laquelle il peut y avoir continuité (continuatio) pour les choses successives. »

De instant, passons au temps.

« Le temps[1] est un certain rapport réel et extérieur à l’esprit ; il trouve son fondement dans le mouvement, et les parties du temps ont pour fondements les parties du mouvement. Le temps est donc l’ensemble des coexistences de tel mouvement à la première Intelligence ; ou bien encore une partie de temps est la coexistence d’une partie du mouvement à l’éternité de la première Intelligence ; de même, l’instant est la coexistence qui passe soudainement et qui, partant, est indivisible, de l’état instantané à son premier Principe. Les diverses parties du mouvement, en effet, coexistent, les unes après les autres, à la première Intelligence.

» Peut-être ferez-vous cette objection : D’une chose successive, rien n’existe en acte hors de l’esprit, si ce n’est un indivisible ; en effet, si c’était un divisible qui possédât plusieurs parties simultanées et coexistantes, nous n’aurions plus affaire à une chose successive, mais à une chose permanente.

» La résolution de cette difficulté dépend de la remarque que voici :

» Ce qui a été dit du mouvement, il faut le répéter du temps. Le temps est une mesure qui a pour fondement le concours de deux ou de plusieurs réalités ; chacune de ces réalités, prise à part, n’est pas un temps, mais quelque chose qui fait partie d’un temps ; que l’une d’elle soit supprimée, le mot : temps disparaît ainsi que sa définition ; le temps, c’est le tout qui résulte de ces différentes réalités. Ces deux réalités peuvent exister simultanément hors de l’âme ; un tel temps est appelé temps présent ; il passe soudainement, et un autre temps présent lui succède ; ainsi, sans cesse, un temps succède à un autre temps.

» Par ce qui précède, voici ce qui est évident : Lorsqu’on dit : Ce qui existe dans la réalité extérieure à l’âme, c’est seulement un temps indivisible, cela n’est pas vrai précisément de cet indivisible qu’est l’instant (nunc), mais bien de cet indivisible qui est un temps. Ce temps [indivisible], en effet, c’est ce qui ne peut pas être divisé en plusieurs réalités dont aucune n’est proprement un temps ; chacune d’elles est seulement quelque chose du temps. Avec ce temps, indivisible en plusieurs autres temps, et qui, pris en son ensemble (simul), existe d’une manière actuelle, existe

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VI, cap. III ; ms, no 6.678, fol. 161, vo et fol. 162, ro ; ms. no 16.132, fol. 127, col. d et fol. 128, col. a.1