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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Évidemment, tout mouvement continu et successif est composé de tels mouvements dont chacun est indivisible en plusieurs mouvements, mais est, cependant, divisible de la manière qui a été dite. Il n’est pas composé d’états instantanés (mutata esse), car ceux-ci sont absolument indivisibles.

» Ces mouvements indivisibles, demanderez-vous, sont-ils, ou non, consécutifs les uns aux autres ? Je vous réponds : Ils sont consécutifs les uns aux autres de telle manière qu’entre deux mouvements indivisibles ne se trouve aucun autre mouvement intermédiaire, ni divisible ni indivisible. Mais entre deux mouvements indivisibles se trouve toujours un état instantané intermédiaire, comme un point entre deux parties de ligne ; c’est ce qu’on dira plus explicitement dans les Prédicaments, au chapitre de la quantité. »

À ces éclaircissements sur le mouvement de l’état instantané, joignons ceux qui concernent le temps et l’instant.

Bonet parle, tout d’abord, de l’instant (nunc) ; de ce qu’il dit, extrayons seulement, en ce moment, ce qui a trait à l’instant pris dans l’existence réelle.

« Il est manifeste[1] que la première affirmation qui doive être formulée au sujet de l’instant est celle-ci : C’est une certaine entité passive qui se comporte à l’égard du temps comme l’état instantané à l’égard du mouvement, et comme le point à l’égard de la ligne.

» L’instant est la mesure d’une chose qui existe indivisible, car il est l’indivisible du temps.

» Il est une certaine coexistence, et cette coexistence est un rapport qui advient de l’extérieur…

» Il se distingue de ce dont il est la mesure comme toute mesure se distingue de la chose qu’elle sert à mesurer…

» Le fondement de l’instant (nunc), c’est l’état instantané (mutatum esse) dont il est la mesure…

» Le terme de cette coexistence qui reçoit le nom d’instant, c’est la durée éternelle de l’Intelligence première, durée à laquelle tout état instantané coexiste. »

« C’est encore[2] une propriété de l’instant d’être ce qui établit la continuité (continuativum) des parties du temps les unes avec les autres, de même que l’état instantané est ce qui établit la continuité des parties du mouvement les unes avec les autres, et cela

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VI, cap. I ; ms. no 6.678, fol. 159, vo et fol. 160, ro ; ms. no 16.132, col. 126, coll. a et b.
  2. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VI, cap. II ; ms. no 6.678, fol. 160, ro ; ms. no 16.132, fol. 126, col. c.