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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

puisqu’il est composé d’actions et de passions qui sont négativement indivisibles.

» En troisième lieu, il n’y a pas une infinité d’états instantanés ; on peut assigner un premier mutatum esse et un premier changement (mutatio).

» Enfin il n’est pas vrai de dire qu’avant tout mutatum esse, on peut assigner un mouvement, et qu’avant tout mouvement, on peut assigner un mutatum esse. »

» L’essence (quidditas) du mouvement[1] n’a pas pour fondement une seule réalité absolument simple, mais bien le concours de plusieurs réalités dont aucune, si on la prend en particulier et isolément, n’est formellement le mouvement ; c’est la réalité totale, résultant de ce concours, qui, formellement, est le mouvement. Mais le mouvement est tellement fondé sur le concours de ces réalités qu’il suffit d’en supprimer une pour voir disparaître le mouvement et sa définition…

» D’autre part, le mouvement, qui résulte ainsi des trois réalités, est absolument incapable d’être divisé en plusieurs parties dont chacune serait, à son tour, un mouvement ; tandis qu’il est divisible en plusieurs réalités constitutives du mouvement. De même, un élément peut être subdivisé en plusieurs réalités, mais non en plusieurs éléments.

» Le mouvement, pris ainsi comme un tout, est en acte tout entier à la fois, mais il passe soudainement ; un autre mouvement lui succède qui est, lui aussi, indivisible en mouvements partiels, mais qui est divisible, selon ce qui a été dit, en plusieurs réalités. Et il en est consécutivement de même des autres mouvements.

» Par là, on voit clairement que, du mouvement, rien n’apparaît hors de l’esprit, si ce n’est un indivisible. Par cet indivisible, d’ailleurs, je n’entends pas un état instantané (mutatum esse), car ce dernier esl absolument indivible, en lui-même et en ce qui concerne sa mesure ; il a pour mesure, en effet, l’instant (nunc), qui est absolument indivisible. Ce mouvement, au contraire, est seulement indivisible en plusieurs mouvements partiels ; sa mesure est [un temps] indivisible en plusieurs temps partiels, mais divisible en plusieurs réalités constitutives du temps, comme nous le dirons plus loin lorsque nous traiterons du temps. L’élément de mouvement (terminus motus), donc, n’a pas pour mesure un instant (instans), mais un temps indivisible en plusieurs temps.

  1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. IV, cap. IX ; ms. no 6.678, vo, et fol. 143, ro ; ms. no 16.132, fol. 111, col. b, c et d.