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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Du mouvement, donc, rien n’est produit en acte, si ce n’est cet indivisible qui est action et passion ; à cet indivisible, succède un autre indivisible, et non pas une chose divisible d’une manière actuelle ; sinon, cette réalité ne serait pas une réalité successive, mais une réalité permanente ; une quantité, en effet, qui possède des parties douées simultanément de l’existence en acte, est permanente, et non pas successive. Aussi dit-on communément que toute l’existence d’une chose successive se réduit à l’existence de l’indivisible qui lui appartient, indivisible qui passe subitement et auquel succède un autre indivisible en acte. L’action, en effet, se renom elle incessamment, et incessamment aussi surviennent de nouveaux degrés de ce qui est produit. C’est ainsi que le mouvement reçoit l’existence. Exemple : Lorsque le feu engendre, dans de l’eau, la chaleur, l’action qui produit, au sein de l’eau, le second degré de chaleur n’est pas numériquement la même que l’action productrice du premier degré ; c’est une action nouvelle ; et ainsi, sans cesse, s’exercent de nouvelles actions, tout comme, en la chaleur produite, surviennent de nouveaux degrés de chaleur ; chacune de ces actions est distincte de chacune des autres, mais elles se suivent les unes les autres.

» De ce qui vient d’être dit, il résulte que le mouvement, tel qu’il est hors de l’esprit et dans la réalité, n’est pas continu ; en effet , ces actions et passions qui passent soudainement ne sont pas susceptibles de se continuer les unes les autres. Toute la continuité du mouvement vient de l’esprit (Tota continuitas motus est ab anima). Lorsque ces actions sont ramenées à l’existence conceptuelle (esse cognitum), l’intelligence conçoit toutes ces actions comme ne présentant aucune interruption, comme une action unique qui existe dans un écoulement continu et suivant une succession continue. La continuité des choses successives n’existe donc que lorsque ces choses ont été ramenées à l’existence conceptuelle, car, dans la réalité, il semble impossible que ces choses possèdent une continuité quelconque (Tota ergo continuitas successivorum est ut ipsa redacta sunt ad esse cognitum, quia in re videtur impossibile quod habeant aliquam continuitatem).

» De là résultent quelques conséquences :

» En premier lieu, un mouvement n’est pas, en réalité, divisible à l’infini ; en effet, les actions et les passions qui sont, en réalité, le mouvement, sont en nombre fini ; sinon la partie serait égale au tout.

» En second lieu, le mouvement est composé d’indivisibles,