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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’intervalle de repos, tandis que dans celui que nous appelons rapide, il entre moins d’intervalle de repos. »

Ainsi les Motékallémîn professaient un Atomisme intégral qui s’appliquait au temps et au mouvement aussi bien qu’à l’étendue. Ainsi faisait également Gérard d’Odon, si nous en jugeons par les critiques de Jean le Chanoine. Ainsi va faire Nicolas Bonet.

Nicolas Bonet va poser en principe que les êtres successifs, tels que le mouvement et le temps, sont, dans l’existence conceptuelle (in esse cognito ou in esse conceptuali) au sein de notre esprit, tout autres qu’ils ne sont dans l’existence réelle (in esse reali), hors de notre esprit.

C’est du mouvement et du temps tels qu’ils sont dans l’existence conceptuelle qu’ont parlé Aristote et ses commentateurs[1]. « On accorde qu’en l’existence conceptuelle, le mouvement possède la continuité, la divisibilité, peut-être l’infinitude, et toutes les autres propriétés qui sont décrites au sixième livre des Physiques. Mais ces propriétés, il ne les possède pas dans l’existence réelle. »

Dans l’existence réelle, le mouvement a une constitution discontinue et atomique analogue à celle de la ligne réelle.

Deux choses concourent à constituer la ligne réelle : L’élément indivisible de ligne et le point. Tout élément indivisible de ligne a deux extrémités qui sont deux points ; lorsque deux éléments indivisibles se continuent l’un l’autre, le point qui termine le premier est identique au point qui commence le second.

De même, deux sortes de choses concourront à constituer un mouvement réel : Des mouvements indivisibles et des états instantanés (mutata esse). En cette constitution du mouvement réel, tout mouvement indivisible jouera le rôle que joue, à l égard de la ligne, l’élément de longueur ; tout état instantané jouera le rôle que joue le point.

De ce que nous trouvons dans la constitution réelle du mouvement, nous devrons retrouver l’équivalent dans la constitution du temps ; au mouvement indivisible, correspondra le temps indivisible, à l’état instantané (mutatum esse) correspondra l’instant (instans ou nunc).

Toute longueur finie est une suite d’un nombre fini de lignes indivisibles dont chacune est soudée à la suivante par un point Tout mouvement fini est une suite d’un nombre fini de mouve-

  1. Nicolai Boneti Physica, lib. IV, cap. IX ; ms. no 6.678, fol. 142, vo ; ms. no 16.132, fol. 111, col. b.