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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

que Moïse Maïmonide en donne au Guide des Égarés. C’est là que Gérard d’Odon avait pu lire ce qui suit[1] ;

Les Motékallémin « soutenaient que l’Univers entier, c’est-à-dire chacun des corps qu’il renferme, est composé de très petites parcelles qui, à cause de leur subtilité, ne se laissent pas diviser. Chacune de ces parcelles est absolument sans quantité ; mais lorsqu’elles sont réunies les unes aux autres, cet ensemble a de la quantité et est alors un corps…

» La troisième proposition dit que le temps est composé d’instants ; c’est-à-dire qu’il se compose de petits temps nombreux qui, à cause de leur courte durée, ne se laissent pas diviser. Cette proposition leur est également nécessaire, à cause de la première proposition ; car, ayant vu sans doute les démonstrations par lesquelles Aristote a prouvé que l’étendue, le temps et le mouvement local sont trois choses correspondantes dans l’être (c’est-à-dire qu’elles sont entre elles dans un même rapport mutuel, et que, lorsque l’une de ces choses se divise, les autres se divisent également et dans le même rapport), ils étaient forcés de reconnaître que, si le temps était continu et susceptible de division jusqu’à l’infini, il s’ensuivrait que cette parcelle qu’ils posaient comme indivisible, est nécessairement divisible ; et que, de même, si l’on admettait que l’étendue est continue, on serait forcé d’admettre la divisibilité de cet instant de temps que l’on posait comme indivisible, ainsi que l’a exposé Aristote dans l’Acroasis. C’est pourquoi ils ont posé en principe que l’étendue n’est pas continue, mais composée de parcelles auxquelles la divisibilité s’arrête, et que, de même, le temps aboutit à des instants qui n’admettent pas la division…

» Écoute maintenant ce qu’il leur a fallu admettre comme conséquence de ces propositions : Le mouvement, disent-ils, consiste en ce que chacune de ces parcelles indivisibles se transporte d’un atome [de l’étendue] à l’atome voisin. Il s’ensuit de cette hypothèse que les mouvements ne sont pas plus rapides les uns que les autres. En effet, disent-ils, quand tu vois que deux choses en mouvement parcourent dans le même temps deux distances différentes, la cause n’en est pas que le mouvement de ce qui parcourt la plus longue distance soit plus rapide, mais la cause en est que, dans ce mouvement que nous appelons lent, il entre plus

  1. Moïse ben Maimoun dit Maïmonide, Le guide des égarés, trad. par S. Munk ; Paris, 1856 ; première partie, ch. LXXIII, t. I, pp. 377-382.