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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

parce qu’elle est terme d’une surface ; un point, parce qu’il est le terme d’une ligne. Si, par exemple, on disait qu’il y a un point au milieu d’une ligne qui n’est pas le terme d’une ligne, ce point cependant est ainsi nommé parce qu’il est le terme de lignes qui sont des parties de la première, parce qu’il est le commencement de l’une de ces lignes et la fin de l’autre.

» Nous supposons donc que tout point est terme d’une ligne, et que toute ligne est terme d’une surface ; nous supposons que toute surface est le terme d’un corps, et non pas un terme extrinsèque et séparé, car le corps serait terminé alors même que hors lui, rien n’existerait.

» En outre, nous supposons que le terme d’une ligne n’est pas cette signe elle-même ; en une ligne, en effet, il y a des termes différents, un d’un bout et l’autre de l’autre…

» De là résulte donc la conclusion énoncée : Tout point est une ligne qui est le terme intrinsèque d’une autre ligne ; il n’est point cette ligne même dont il est le terme ; mais ce point est une ligne qui est une partie de la ligne dont elle est le terme. Par suite, on en dira autant de la ligne à l’égard de la surface et de la surface à l’égard du corps…

» En aucune grandeur continue, on ne peut trouver une partie qui, en sa totalité, soit tenue de ce continu ; je prends ici cette expression : en sa totalité, au sens syncatégorique[1]. Cela est évident, car aucune partie n’est, en sa totalité, la première ni la dernière. Donnez-vous, en effet, le contraire, savoir qu’une certaine partie d’un continu est, en sa totalité, la première partie — ou la dernière partie ; il en résultera que toute partie de cette partie est aussi première partie de ce continu — ou est aussi dernière partie, et qu’elle est aussi terme de ce continu, ce qui est faux ; cette partie, en effet, que vous supposez la première, divisez-la en deux autres parties A et B ; l’une d’elles, A, sera certainement avant l’autre B, et B ne sera pas la première. »

Buridan se pose alors la question suivante : Puisque le point qui, en réalité, est un corps, est divisible comme le sont tous les corps, pourquoi dit-on communément que le point est indivisible ? Il répond que le point n’est pas vraiment indivisible, que cette proposition n’est pas vraie au pied de la lettre ; mais en la formulant, on entend énoncer diverses vérités ; parmi ces vérités, il en est qui ont trait aux liens qui unissent à la Géométrie la présente

  1. Au § V, nous verrons quelle est l’exacte signification de ce terme.