Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
412
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

entre ces deux temps, se trouve l’instant (nunc) qui établit entre eux la continuité. Le second temps indivisible passe soudainement, un autre lui succède, et ainsi de suite.

» Concluons donc, avec Démocrite, que tout continu est, en définitive, composé d’indivisibles, et qu’il se résout, à la fin, en ces indivisibles ; il n’est pas composé d’une infinité d’indivisibles, mais bien d’indivisibles en nombre fini. Adhère qui voudra aux Péripatéticiens ou Platoniciens ; Démocrite semble cependant parler d’une manière plus raisonnable. »


XIV
Le mouvement et le temps selon Nicolas Bonet — Continus dans l’esprit, les êtres successifs sont discontinus en réalité.


Dans son trop court exposé de l’atomisme de Gérard d’Odon, Jean le Chanoine nous apprenait que le maître général de l’ordre appliquait également sa théorie aux points, aux lignes, aux surfaces « et, aussi, aux instants dans le temps ». Parmi les objections que Jean le Chanoine adresse à cette doctrine, il en est qui sont tirées du mouvement[1] ; là, il est question non seulement d’indivisibles ou atomes de longueur ; mais encore d’indivisibles ou atomes de temps.

Nous apprenons ainsi que Gérard ne bornait pas son atomisme aux seules grandeurs permanentes de la Géométrie, qu’il l’étendait au mouvement et au temps.

Bonet vient également de nous déclarer qu’il fallait étendre au mouvement et au temps tout ce qu’il avait dit touchant la résolution de la ligne, de la surface et du volume en cléments indivisibles.

L’idée n’était point nouvelle. Elle avait été proposée, déjà, par les Motékallémîn, par ces théologiens arabes qui, désireux de contredire en toutes choses à la philosophie d’Aristote, s’étaient empressés d’adopter la Physique la plus opposée à celle du Péripatétisme, c’est-à-dire l’Atomisme.

La doctrine des Motékallémîn, les Scolastiques latins du xive siècle la connaissaient fort bien par 1 exposé et la réfutation

  1. Jean le Chanoine, loc. cit. ; éd. cit., fol. 60, col. d.