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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

indivisibles, est une chose qui peut être divisée en plusieurs choses continues, en plusieurs quantités. Elle est une grandeur qui a des parties quantitatives, qui a partie hors partie, dont les diverses parties ont, les unes à l’égard des autres, une situation déterminée et distincte. »

Comment faut-il donc entendre la divisibilité d’un continu ? Bonet va s’exprimer à cet égard avec son habituelle netteté[1].

« Ici se présente un sujet de doute. Il semble que toute partie d’un continu, et même toutes ses parties [successives], soient de même nature. Si donc l’une d’elles est divisible en plusieurs grandeurs, en plusieurs continus qui coexistent, il en doit être de même de chacune et de toutes.

» La solution de cette difficulté réside en cette remarque : Dans une quantité, il y a des parties proprement dites (per se) et des parties accidentelles (per accidens).

» Les parties proprement dites, ce sont ces réalités indivisibles auxquelles n’appartient ni le nom ni la définition de quantité.

» Autres sont les parties accidentelles ; celles-ci possèdent le nom et la définition de la quantité. Il arrive (accidit), en effet, à la ligne, en tant que ligne, d’être composée de plusieurs parties dont chacune est une ligne. Mais ce qui est de la nature propre de la ligne en tant que ligne, c’est d’être constituée par plusieurs réalités dont aucune n’est une grandeur ; on ne peut trouver de ligne qui n’ait pas ces parties-ci, tandis qu’on peut bien trouver une ligne dénuée des autres parties.

» Mais, demanderez-vous, la ligne ou toute autre grandeur continue est-elle divisible en parties toujours divisibles, et cela à l’infini ? A-t-elle une infinité de parties ?

» Je vous répondrai, selon la théorie de Démocrite, qu’il n’en est rien. Tout continu qui est fini d’une manière actuelle plus divisibles en de nouveaux continus, mais qui sont, cependant, divisibles en certaines autres réalités ; et, finalement, on parvient à des indivisibles absolus [qui sont ces réalités].

» Avec cette affirmation semble concorder ce qu’Aristote dit du minimum naturel ; car au premier livre de sa Physique, il dit qu’on peut parvenir jusqu’à la quantité de chair la plus petite possible.

» Direz-vous qu’Aristote enseigne que tout continu est divisible

  1. Nicolai Boneti Op. laud., libellus de quantitate, cap. XII ; ms. cit., fol, 159, coll. b, c et d.