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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ces. À chacune de ces théories, il veut attacher le nom d’un auteur ; mais l’histoire serait fort empêchée, en général, de justifier ces attributions. C’est ainsi, par exemple, qu’il met au compte de Platon[1] la doctrine qui compose tout volume avec des surfaces, toute surface avec des lignes, toute ligne avec des points. De même, la doctrine qu’il développe en dernier lieu est, dit-il[2], celle « qu’on impose à Démocrite. » Il nous dira, d’ailleurs, à la fin de son exposé[3] : « Adhère qui voudra aux Péripatéticiens ou aux Platoniciens ; Démocrite semble, cependant, parler d’une manière plus raisonnable ». C’est donc bien l’opinion personnelle de Bonet qui, sous le couvert de l’autorité de Démocrite, va nous être donnée.

En quoi consiste donc cette théorie « qu’on impose à Démocrite » ?

« Démocrite[4] imagine qu’il y a deux genres de quiddités.

» Toute quiddité du premier genre a pour fondement une réalité simple, non susceptible d’être divisée en d’autres réalités. Ainsi en est-il, peut-être, de la quiddité de la forme, ou de celle de la matière ; ainsi en est-il encore de la quiddité des intelligences, quiddité qui est absolument simple (simpliciter simplex) et qui ne peut se résoudre en d’autres réalités.

» Au contraire, toute quiddité du second genre est une quiddité qui a pour fondement le concours de plusieurs réalités, de telle sorte que si l’on supprimait une de ces réalités, il ne resterait rien ni du nom, ni de la définition, ni de la quiddité de la chose que l’on considère.

» De ce genre, sont toutes les quiddités des substances composées de matière et de forme ; l’humanité, par exemple [qui est la quiddité de l’homme], n’a pas pour fondement une réalité simple : elle a pour fondement le concours de deux réalités qui sont l’âme et le corps ; qu’on supprime l’une de ces deux réalités : de l’homme, il ne subsiste plus ni le nom ni la définition, car l’âme une fois séparée du corps, il n’y a plus d’homme. »

Assurément, le Démocrite qui tient ce langage a lu Guillaume

  1. Nicolai Boneti Tractatus de prædicamentis, libellus de quantitate, cap. VI ; ms. no 16132, fol. 155, col. a.
  2. Nicolai Boneti Op. laud., libellus de quantitate, cap. XI ; ms. cit., fol. 158, col. d.
  3. Nicolai Boneti Op. laud., libellus de quantitate, cap. XII ; ms, cit., fol. 159, col. d.
  4. Nicolai Boneti Op. laud., libellus de quantitate, cap. XI ; ms. cit., fol. 158, col. d., et fol. 159, col. a et b.